Tamara Dietrich Randolph

Théâtre de lecteurs dans la salle de classe :

l’utilisation de marionnettes et de scripts pour améliorer la fluidité de la lecture


En 2005, trois collègues et moi-même, au cours d’un voyage d’étude à Sabah en Malaisie orientale, avons organisé des séances de formation continue, apporté des livres et d’autres matériels pédagogiques aux écoles primaires adventistes du septième jour de ce pays. Nous avons alors découvert que les enseignantes voulaient des marionnettes et des scénarios à utiliser pour enseigner l’anglais à leurs élèves, qui tous parlaient le dusun (langue autochtone) et le malaisien (langue officielle). De retour à Walla Walla College (maintenant Walla Walla University) à College Place, dans l’État de Washington aux États-Unis, j’ai étudié la littérature pour voir quel genre de progression linguistique était associée à l’utilisation de marionnettes et de scénarios. Je n’ai trouvé qu’un petit nombre d’études sur ce sujet mais toutes rapportaient des effets positifs en termes d’efficacité. La première étude en tête de liste ne traitait pas directement de marionnettes mais elle est devenue pour moi une ressource fondamentale sur l’utilisation du sous-titrage codé pour les étudiants de 7e et 8e années qui étaient des apprenants de langue anglaise (English Language Learners—ELL) 1 . Plus tard, j’ai utilisé les résultats de l’étude sur le sous-titrage codé pour lier l’idée d’apprenants de la langue anglaise écoutant des scénarios de marionnettes enregistrés sur bande sonore tout en lisant les scénarios écrits.

J’étais déjà au courant de la méta-étude révolutionnaire qui a été réalisée à partir plus de 100 000 rapports de recherche sur la lecture par le National Reading Panel en 20002, et de l’importance de la maîtrise de la lecture par le biais de la relecture. Les suggestions à cette fin étaient le chant, le théâtre des lecteurs et la lecture chronométrée. J’avais assisté aux présentations de l’International Reading Association par les membres du National Reading Panel (S. Jay Samuels, Tim Rasinski, Sally Shaywitz, etc.). J’ai alors synthétisé ces résultats avec mes propres expériences dans l’enseignement de l’anglais langue seconde (ESL) dans l’État de Washington, aux îles Samoa américaines, et de l’anglais langue étrangère (EFL) en Chine continentale. Je savais, grâce aux travaux de Samuels et Frastrup3 et d’autres, que la maîtrise de la lecture découle largement d’un vocabulaire actif et croissant – essentiel à la compréhension de la lecture – et que les lectures répétées sont utiles pour développer la maîtrise de la langue. J’ai alors eu l’idée que les étudiants lisent des scénarios pour marionnettes à voix haute à plusieurs reprises alors qu’ils répétaient pour une représentation ultérieure devant leurs pairs ou des membres de la communauté. Cela donnait à chaque enfant un but à la répétition de ces lectures. Plus tard, ce but s’est élargi avec l’enregistrement vidéo de la répétition finale pour un « lieu » plus permanent.

Ensuite, j’ai planifié et mis en œuvre une étude pilote en 2006 avec des élèves de la 4e à la 6e année à l’école Wild Mango (nom fictif) à Sabah en Malaisie. C’est une petite école de montagne sans électricité mais avec des paysages splendides et c'est idéal pour ceux qui recherchent la solitude. Là, le cobra cracheur noir (naja sumatrana) va et vient selon son bon plaisir, et jusque sous la fenêtre des locaux de mon enseignante4.

Après les pré-test et post-test à l'aide de la série de diagnostics de lecture Woodcock (Woodcock Diagnostic Reading Battery, WDRB, 1997), nous avons utilisé des marionnettes réalistes et des scripts stimulants basés sur l’information, en version imprimée et sur bande sonore. Il s’agissait de déterminer si des élèves de la 4e à la 6 années seraient capables d’augmenter leur compréhension de lecture et leurs aptitudes en vocabulaire anglais par rapport à un groupe témoin qui ne faisait que du bricolage avec les instructions données en anglais ou qui écoutaient des histoires lues en anglais. Le groupe expérimental – dont tous les membres ont passé du temps individuellement avec moi à pratiquer leurs scripts et à écouter le script lu en anglais alors qu’ils suivaient le scénario imprimé – a fait des progrès passionnants. Le groupe de contrôle – dont tous les membres ont passé la même quantité de temps individuellement avec moi à écouter les histoires lues en anglais et à faire du bricolage en suivant des instructions données en anglais – est resté à la même moyenne avant et après le test. Un court rapport de cette recherche a été publié en 2010 dans The Journal of Adventist Education5.

Je suis retournée à Sabah, à l’école primaire Riverside (nom fictif) – dont le livre Jungle Thorn [de Norma Youngberg, ndlr] a fait la renommée6 – pour faire une étude de suivi, de nouveau avec des enfants de la 4e à la 6e années. Ils ont été choisis comme auparavant parce que leur anglais scolaire avait tendance à être inférieur de deux années à celui des enfants du même âge dont l’anglais était la première langue aux États-Unis. Cette fois, grâce à un fort intérêt de l’enseignant et des élèves et une école beaucoup plus grande que lors de l’étude précédente, j’ai eu cinq différents groupes expérimentaux faisant des marionnettes et des scripts. Chaque groupe a eu quatre répétitions et donné une présentation. L’espace étant limité et n’ayant pas d’autre adulte pour la surveillance, les groupes affectés au bricolage ont travaillé à la fabrication d'accessoires pour les pièces de théâtre de marionnettes dans la même pièce et en même temps que les répétitions avaient lieu. Un facteur inattendu de la recherche a été que les enfants dans les groupes de bricolage et accessoires ont entendu toutes les répétitions.

L’analyse des données du post-test a montré que les élèves qui avaient confectionné les accessoires tout en écoutant les répétitions ont montré plus d'amélioration dans leur compréhension de la lecture en anglais et leur vocabulaire que n'importe lequel des marionnettistes (qui se sont aussi améliorés). Il y avait là une tournure des plus intéressantes qui m’a poussée à faire d’autres recherches.

Ayant présenté ces données à l’université de la Malaisie-Kota Kinabalu en février 2009, j’ai pu retourner à l’école primaire Riverside pour informer le corps professoral et l'administration de mon travail, et explorer des opportunités pour faire des études plus approfondies. Une fois de plus, j’ai apporté des livres et des fournitures de bricolage qui se sont ajoutés à ceux que j’avais laissés à l’école à la fin de mes visites précédentes.

Pendant le trimestre d’hiver de 2013, alors que j’étais en congé sabbatique, j’ai eu le privilège de retourner à Sabah, cette fois avec des plans plus ambitieux et l’aide d’une experte en recherche : l’étudiante en master Jeannine Bennett de l’université Walla Walla. Nous allions mener des recherches plus poussées avec des élèves de la 4e à la 6e années à la même école qu’en 2008, soit l’école primaire Riverside. J’avais trouvé des études supplémentaires qui soutenaient mes questions de recherche précédentes sur l’efficacité d’utiliser des marionnettes pour construire le vocabulaire et la compréhension7, ainsi que plus de travaux de Samuels et Farstrup sur la valeur de la répétition des lectures pour accroître la maîtrise de la langue, et la compréhension8. Pour remercier l’école de m’avoir accueillie, j’ai fait une présentation sur la formation continue aux enseignants de l’école secondaire juste en haut de la colline de l’école primaire Riverside, et une autre pour tous les enseignants des écoles primaires adventistes à Sabah9.

Pour cette recherche, Jeannine Bennett et moi avons rédigé les scripts de marionnettes en nous basant sur la flore et la faune de Sabah. Nous avons créé ou acheté des marionnettes réalistes (dont une grenouille et un calao rhinocéros) auxquelles les enfants pouvaient s’identifier, et créé des accessoires réalistes pour les représentations de marionnettes. Cet article commencera par présenter le cadre et les participants, puis il présentera brièvement les résultats de la recherche de l’année sabbatique en 2013, et sera suivi des implications pour les enseignants des élèves apprenants de la langue anglaise.

Cadre et participants

L’école primaire Riverside est une institution privée qui accueille les enfants adventistes du septième jour de Sabah depuis plus de 80 ans. Elle est située dans un cadre enchanteur qui donne sur le mont Kinabalu et elle est entourée d’arbres à fleurs et d’arbres fruitiers. L’école compte dix salles de classe, et chacune est vaste et bien ventilée. Comparée à l’école Wild Mango, elle a de nombreuses installations. La consécration des enseignants et des administrateurs est exemplaire. Les enfants sont amicaux et polis et semblent enthousiastes à l’idée d’apprendre. Parmi les élèves plus âgés, plusieurs ont une assez bonne connaissance de l’anglais, mais les plus jeunes ont tendance à se tenir en retrait, quoique quelques-uns se risquent à lancer un brave « bonjour » avant de se sauver en souriant.

Les enseignants m’ont dit que tous les élèves ont accès à la télévision. Certains ont un téléphone portable. En les écoutant parler, j’ai pu en conclure que quelques-uns d’entre eux avaient d’autres technologies à leur disposition, comme l’accès à Internet. Beaucoup de leurs parents parlent anglais, ce qui veut dire que ces enfants chanceux sont trilingues : ils parlent dusun - leur langue tribale, le malaisien - leur langue nationale, et l’anglais. Pour d’autres enfants, l’anglais n’est ni parlé ni lu à la maison. Cependant, les enseignants à l’école primaire Riverside disent que le fait d’avoir des parents qui parlent anglais ne donne pas aux élèves un avantage quant à la compréhension de l’anglais au cours de la lecture, ni que de bien lire dans la langue nationale ne correspond nécessairement à bien lire en anglais.

Choix en matière d’évaluation

Il n’existe pas de test standardisé de compétences en anglais normalisé pour les élèves de Sabah. L’école ne dispose pas d’un test commun à tous les enseignants. J’ai donc utilisé à nouveau la méthode Woodcock Diagnostic Reading Battery pour établir une base de référence tant pour les groupes expérimentaux que de contrôle et pour faire passer les post-tests après l’utilisation des marionnettes et des scripts. J’avais quelques réticences par rapport aux aspects culturels de ce test : par exemple, une image du test, même pour moi qui suis de langue maternelle anglaise, ne me permettait pas de penser qu’il s’agissait d’un chapeau (hat) alors qu’il devait rimer avec cat (chat). Un autre problème était que le test utilisait des mots et des phrases mais pas du texte soutenu, de sorte qu'il y avait un manque de données analysables concernant des processus de lecture importants comme la reconnaissance de termes de vocabulaire connus intégrés dans le texte, les taux d'aisance et de compréhension basés sur des indices contextuels. Néanmoins, l’information recueillie à partir des pré-tests et post-tests avec cet instrument, permettrait d’établir des comparaisons utiles avec les résultats des deux études précédentes. Le test labyrinthe des Indicateurs dynamiques des compétences de base en alphabétisation des jeunes enfants (Dynamic Indicators of Basic Early Language Skills – DIBELS Daze, actuellement renommé DIBELS Maze) a également été incorporé dans la recherche de 2013.Je l’ai trouvé utile pour mesurer la connaissance syntaxique d’une phrase dans laquelle l’enfant doit choisir lequel des trois mots a du sens dans cette phrase.

Questions de recherche et quelques réponses

La question primordiale de la recherche a été celle-ci : lequel des trois groupes de traitement choisis au hasard utilisant les marionnettes, les accessoires et les scripts informels favorisera le plus la compréhension de lecture des 93 élèves de la 4e à la 6e années fréquentant l’école Riverside ? Cependant, seulement les enfants ayant obtenu la permission de leurs parents ont pu participer à l’étude. Ainsi, le nombre final de participants est tombé à 55, bien en deçà des 75 souhaités. La progression de la compréhension de la lecture a été mesurée en comparant les résultats des pré-tests et des post-tests avec les groupes de tests de la méthode de lecture Woodcock Diagnostic Reading Battery.

En accord avec la directrice, tous les élèves de la 4e à la 6e années (primaires 4, 5, et 6) ont été testés individuellement avec les modules de compréhension de laWoodcock Diagnostic Reading Battery ; après quoi, les élèves qui ont rapporté une autorisation parentale signée, ont été assignés aléatoirement à l’un des trois groupes : bricolage seulement (C), bricolage avec répétitions (CWR), script de marionnettes 1 ou 2 (tous les deux surnommés « répétition » ou tout simplement « R »). Après que les élèves ont été aléatoirement assignés à diverses parties de chaque script (R) et qu’un nombre correspondant a été placé dans chacun des deux autres groupes (C ou CWR), les 33 élèves restants ayant une autorisation parentale signée ont été aléatoirement placés dans trois groupes de théâtre de lecteurs. Ils ont eu à lire un script acheté et écrit intelligemment sur le sujet des grenouilles et leur nombre décroissant. La raison pour laquelle on a fait ce groupe est qu’il n’y aurait plus de temps pour répéter et faire une vidéo du reste des élèves dans les autres groupes ; mais ils étaient tellement désireux de participer que nous n’avions pas le cœur de les renvoyer à leur routine alors que leurs camarades de classe avaient le droit de « jouer » avec des marionnettes et de faire du bricolage. La directrice et les enseignantes désiraient aussi que tous leurs élèves reçoivent un type d’instruction en anglais qui était, comme elles le disaient, « un changement par rapport à la routine habituelle ».

Tous les élèves de la 4e à la 6e années ont aussi été pré-testés et post-testés dans des groupes en classe avec le test labyrinthe DIBELS Daze. Ces données ne sont pas incluses dans l’analyse qui suit pour deux raisons. Premièrement, cette évaluation a été particulièrement difficile à comprendre pour certains élèves à cause du contexte culturel de la terminologie utilisée. Deuxièmement, suivre les instructions données en anglais à des groupes entiers se sont avérées intimidantes pour certains étudiants. Étant issus d’une culture coopérative, plusieurs d’entre eux se penchaient vers leurs camarades pour leur demander de l’aide pendant le test. Certains de ces comportements ont été interceptés et signalés sur les copies du test de ceux qui initiaient les conversations chuchotées mais il a aussi fallu invalider les données pour ceux qui s’arrêtaient de passer leur test pour répondre au cri de détresse de leurs copains de classe.

Tous les groupes, peu importe la tâche qui leur était assignée, se sont rencontrés pendant le même temps et ont été approximativement exposés à la même quantité d’anglais. Les aspects réceptifs et expressifs de leur exposition à l’alphabétisation en anglais variaient selon le groupe dans lequel ils avaient été placés : les groupes répétition (R) et de théâtre de lecteurs utilisant naturellement plus de langage expressif que les groupes de bricolage (C) seulement ou de bricolage avec répétition (CWR). Simplement, les élèves devaient plus parler pour pratiquer les scripts de marionnettes et le théâtre des lecteurs.

Les graphiques suivants montrent quelques données comparatives tirées des résultats de la grappe de compréhension de la batterie de lecture diagnostique Woodcock. Elles révèlent la différence entre les pré-tests et les post-tests. Chaque graphique est intitulé et étiqueté avec un matériel explicatif et une description plus détaillée sous le visuel. Les données sont examinées respectivement par niveau d'études, garçons contre filles, et globalement par catégorie de recherches.

Graphique 1. Pourcentage de gain ou de perte des notes normalisées pour la compréhension de la méthode de lecture Woodcock Diagnostic Reading Battery par niveau de classe.

Une analyse du graphique précédent montre que le primaire 4 (4e année) globalement n’a pas fait de gain en compréhension de la lecture ou en vocabulaire avec le bricolage seulement (C) – en bleu sur le graphique – ou le théâtre des lecteurs – en violet sur le graphique. Ils ont, tout comme les deux autres années, surtout amélioré leur compréhension de la lecture avec le bricolage avec répétition – en rouge sur le graphique. Bien que les trois groupes aient amélioré leur compréhension de la lecture et leur vocabulaire en participant aux pièces de théâtre de marionnettes, il est clair que la stratégie répétition (R) – en vert sur le graphique – n’a pas produit les gains les plus élevés.

Les élèves de 5e année ont vraiment brillé dans le bricolage avec des répétitions (CWR), un peu moins dans les répétitions (R) et encore moins dans le théâtre des lecteurs. La stratégie bricolage seul (C) – en bleu dans le graphique – leur a été presque inutile en termes d'acquisition de la compréhension de la lecture.

Même si les élèves de 6e année n’ont pas autant profité des répétitions (R) que les deux autres groupes, sans elles, il n’y aurait pas eu autant de gains pour le bricolage avec répétition (CWR), car les élèves dans les CWR ont pu entendre l’anglais répété à plusieurs reprises pour la pièce. Ils ont fait beaucoup mieux que les deux autres années avec bricolage seulement (C), soit le groupe qui n’a entendu aucune répétition mais qui a plutôt rencontré les chercheuses qui leur ont donné des instructions en anglais pour la fabrication d’accessoires pour la pièce. Les chercheuses sont restées avec eux pendant tout le temps, exactement le même temps que celui alloué aux autres groupes, pour aider en cas de difficultés ou de questions.

Pour l’ensemble suivant de données (voir graphique 2), l’analyse a révélé que les garçons se sont améliorés le plus avec le bricolage seul (C) – montré par la barre bleue – alors que la compréhension de la lecture des filles dans ce groupe s’est effondrée. À partir des notes de commentaires des observateurs, il semble que les filles étaient plutôt contentes de faire leur bricolage tout en bavardant dans leur langue maternelle (dusun) alors que les garçons avaient tendance à demander des instructions qui étaient données en anglais. Il ne faut pas oublier que ces groupes étaient mixtes. Garçons et les filles avaient donc exactement la même opportunité d’interaction en anglais avec les deux chercheuses enseignantes dont la langue maternelle était l’anglais et qui se trouvaient dans la pièce.

Graphique 2. Scores au percentile standard de la batterie de lecture Woodcock Diagnostic Reading Battery séparés par les garçons et les filles montrant un gain ou une perte, combinant les trois niveaux d'études.

En 2008, on n’a pas évalué le bricolage seul (C), bien qu’une version de bricolage seul (C) ait été utilisée dans l’étude de 2006 à l’école Wild Mango mais avec des résultats de non croissance. À cette époque, les bricolages assignés à ce groupe n’étaient pas liés aux marionnettes que d’autres élèves pratiquaient hors de la vue et de l'ouïe de ceux qui faisaient ces bricolages.

Le bricolage avec répétitions (CWR) – montré par la barre rouge – est le groupe expérimental qui a le plus amélioré sa compréhension de lecture et son vocabulaire pour les garçons et les filles considérés ensemble. Cela faisait suite aux conclusions de l’étude de 2008, même si, à cette époque, le travail des élèves avait été mesuré par trois ensembles différents d'instruments (DIBELS, la fluidité de la lecture à l'oral et la fluidité de la relecture). Le bricolage consistait à fabriquer des accessoires pour les marionnettes – cela se faisait dans la même salle où les élèves pratiquaient les scripts de marionnettes en anglais, et les chercheuses donnaient des instructions et une rétroaction en anglais. Cela semble avoir fourni assez d’instruction et de pratique dans l’écoute de l’anglais sans avoir le stress – particulièrement pour les garçon – d'avoir à être celui qui produit l'anglais oral.

Les filles ont légèrement fait mieux dans les groupes de répétitions (R) et beaucoup mieux dans le théâtre des lecteurs que les garçons. Le théâtre des lecteurs n’avait pas été utilisé en 2005 et en 2008. Il n'y avait donc pas d'autres données avec lesquelles comparer. Farstrup et Samuels10 et d’autres croient que la lecture chorale du théâtre des lecteurs peut augmenter la fluidité dans la langue ciblée. Les enfants lisaient les scripts sans chercher à les mémoriser – c’était aussi le cas pour les groupes de répétition (R).

Graphique 3. Gains globaux en compréhension de la lecture (percentiles) – Woodcock Diagnostic Reading Battery Standard Scores – combinant les trois niveaux d’études

Une analyse des données combinées démontre clairement que le bricolage avec répétition (CWR) a été la stratégie qui a généré les gains les plus élevés en compréhension de la lecture tels que mesurés par les pré-tests et les post-tests de la batterie de lecture du Woodcock Diagnostic Reading Battery Subtests pour la compréhension de la lecture. Cependant, la répétition (R) a été nécessaire pour donner à ceux qui faisaient du bricolage (CWR) l’opportunité d’entendre de l’anglais sans avoir le stress d’avoir à parler la langue cible. Les conclusions de Syed-Ahmad11 – qui a étudié les préférences de style d’apprentissage dans un groupe quelque peu plus âgé dans la même région – étayent le fait qu’il est positif que les élèves se servent de leurs mains pour faire des accessoires – tout en étant plongés dans une atmosphère dans laquelle ils entendent parler l’anglais, par les élèves qui répètent et par les chercheuses. Syed-Ahmad a découvert que dans cette culture malaisienne, l’utilisation d’un matériel de manipulation est préférée à l’utilisation d’un matériel présenté sur un mode visuel ou auditif seulement.

Voici une preuve anecdotique (recueillie par l’auteur) de l'acquisition de compétences en anglais dans le cadre de bricolages tout en écoutant des répétitions faites en anglais (CWR) : Une fille en 6e année au primaire qui est dans le groupe CWR, me dit que son frère qui est en 5e année au primaire, et qui est un des marionnettistes (R), est malade et qu’il ne pourra pas être présent le jour où l’on filmera les résultats. Elle me supplie «Je vous en prie, permettez-moi de lire sa partie. Je la connais vraiment bien ». La seule façon dont elle a pu l’apprendre c’est en écoutant son frère la lire alors qu’elle faisait du bricolage pendant les répétitions (CWR). En effet, nous ne permettons pas aux élèves d’apporter les scripts à la maison afin de s’assurer que chaque élève passe la même quantité de temps avec le matériel. De plus, à aucun moment pendant le travail du groupe, les scripts n’avaient été entre les mains des élèves du groupe de bricolage avec répétition (CWR).

Discussion et incidence possible de la recherche

Il faut faire preuve de prudence lorsqu'on tire des conclusions de cette étude : il s’agissait d’un échantillon de confort basé sur des classes intactes dans l’école d’accueil. Nous ne pouvons donc faire de généralisations en dehors de la population d’où l’échantillon a été tiré. Cependant, il est intéressant que, basé sur l'observation d'intervalles de confiance qui ne se chevauchent pas, la probabilité d'une croissance statistiquement significative était de 95 % dans la compréhension de lecture et le vocabulaire anglais de quatre élèves dans cette étude :

  • Une fille en quatrième année (4e primaire) dans le théâtre des lecteurs est passée d'un 0,1 au 1er percentile.
  • Un garçon en cinquième année (5e primaire), élève dans le groupe du bricolage avec répétitions (CWR,) est passé d’un 0,1 au 3e percentile.
  • Une fille en sixième année (6e primaire) dans le groupe du bricolage avec répétitions (CWR) est passée du 50e au 73e percentile.
  • Une fille dans le théâtre des lecteurs est passée du 31e au 58e percentile.

À partir des diverses données de recherche recueillies parmi les élèves de la 4e à 6eannée (4e à 6e primaire) de Sabahan par cette chercheuse depuis 2005 – et en incluant les entretiens avec les enseignantes et des notes « observateurs-commentaires » lors de l’immersion dans les études – on peut affirmer que l’utilisation de marionnettes a réellement augmenté la compréhension de lecture des enfants testés. Les marionnettes font partie de la culture de Bornéo dont le Sabah forme la partie nord. De plus, les entretiens menés avec les enseignantes sur le terrain en 2005, ont clairement révélé qu’elles voulaient des marionnettes pour enseigner l’anglais à leurs élèves.

En plus d’être utiles pour l’apprentissage de l’anglais – et son enseignement est maintenant encouragé par le gouvernement malaisien – les marionnettes et les scripts sont attrayants pour les élèves. Le personnel et les enseignantes de l’école primaire Riverside, quand ils ont été interrogés sur leurs points de vue sur la recherche faite avec les marionnettes en 2013, ont dit que les enfants et les enseignantes ont apprécié le changement de routine. Comme il n’existe pas de test standardisé pour la compréhension de la lecture des élèves de Sabahan, ces données pourraient éventuellement être utiles pour le personnel scolaire de l’école primaire de Riverside pour déterminer comment mesurer la croissance de l'acquisition d'une langue, et comment faire participer les enfants à l'apprentissage de l'anglais.

L’utilisation de marionnettes et de scripts en classe

Comment les enseignants dans les autres écoles adventistes du septième jour dans le monde peuvent-ils utiliser les résultats de cette étude pour éclairer leur propre travail en classe ? Voici une suggestion qui met en relation la lecture, l'écriture, la parole, l'écoute, le visionnage et la représentation visuelle (la communication des idées par l’art, le théâtre et le graphisme12) : les enseignants devraient mettre sur pied des ateliers de lecture et d’écriture (RWW) passionnants. J’ai fait de tels ateliers avec mes élèves de collège où chacun sélectionne une marionnette réaliste du règne animal puis fait des recherches – en bibliothèque ou en ligne – pour identifier un minimum de sept facteurs (le nombre est au choix de l’enseignant) sur cet animal – oiseau, mammifère, reptile ou insecte. Pendant les séances de RWW, au cours des dix premières semaines du sujet qui dure deux trimestres, les élèves écrivent une lettre en plusieurs versions expliquant les choses étonnantes qu’ils ont découvertes. Ce processus est appuyé par des examens par des pairs (un minimum de quatre examens par des pairs et chacun doit être documenté), et des rétroactions individuelles par l’enseignant. Cette lettre bien conçue soigneusement examinée est ensuite présentée sur une chaise d’auteur spécialement créée à cet effet. (Pour voir des photos de quelques chaises ordinaires transformées en chaises avec thème que mes élèves et moi-même nous avons faites et sur lesquelles nous nous sommes assis pour ce faire, aller à : https://wallawalla.edu/academics/libraries/curriculum-library/crafts/authors-chair/.)

Après la présentation sur la chaise d’auteur, l’enseignant peut aider les enfants à faire plus avec leurs lettres. Par exemple, dans des itérations supplémentaires de RWW, l’enfant pourrait apprendre à transformer graduellement cette lettre en un script de marionnettes passionnant dans un genre que j’appelle « narration hybride et rédaction de scénarios d'informations ». Cela signifie que les élèves ajoutent une narration qui intègre le décor, l'intrigue, les personnages, le dialogue et la nécessité de résoudre un problème, mais ils intègrent aussi de merveilleuses capsules d'information (et quelques bombes) qu’ils ont découvertes. À la fin des dix semaines, (c’est le temps que les élèves de collge prennent pour réaliser cela avec une RWW par semaine), les scénaristes triomphants peuvent présenter la pièce de marionnettes devant un public composé de leurs camarades de classe, des étudiants en anglais langue seconde de la maternelle à l’université, des parents et des mécènes de l’église ou de la communauté.

Mes étudiants en formation à l'enseignement et moi-même, avons souvent utilisé des scénarios de marionnettes originaux et des marionnettes animées pour les cours d’anglais avec les enfants de la communauté locale de travailleurs saisonniers (Farm Labor Homes13). Là, des élèves enthousiastes, tous les étudiants en anglais langue seconde, ont eu le plaisir d’écrire leurs propres scénarios et de les interpréter devant le public de leurs pairs et de leurs parents. Nous planifions une étude formelle de compréhension de la lecture pour ce groupe avec résultats avant et après.

L’intérêt qui a été suscité alors que je présentais ces données à des éducateurs en fonction et à des enseignants en formation semble indiquer que l’utilisation de marionnettes et de scénarios originaux pourrait servir un but utile dans l’enseignement d’apprenants de langue seconde (ELL). Cela est particulièrement vrai dans des régions comme Sabah où l'alternative est souvent l'enseignement d'une langue décontextualisée en raison d'un manque de sources abordables en anglais.


Cet article a été révisé par des pairs.

Tamara Dietrich Randolph

Tamara Dietrich Randolph, Ph.D., est professeure émérite à la School of Education and Psychology de l'université Walla Walla,dans l’État de Washington aux États-Unis. T. Randolph a présenté des exposés fondés sur les résultats de cette série d'études à Sabah, notamment à l’International Reading Association, à l'université d'Oxford au Royaume-Uni, à l'université des Caraïbes du Sud à Trinidad, et à la National Conference for Rural Schools de l'université de Malaisie-Sabah. Elle a également publié des articles dans des revues à comité de lecture sur le sujet. De plus, le T. Randolph a publié plusieurs livres pour enfants à partir de données picturales recueillies dans ce lieu de recherche : Jungle Thorn-The Rest of the Story (2009) ; Children of Sabah : Melkendro (2009) ; Children of Sabah: The Shorty Series (2009) ; Children of Sabah : Belorna (2006) ; Children of Sabah : Jidi (2006) ; et Ernitysae : A Child of Sabah (2005). Ces livres sont distribués gratuitement dans les écoles de Sabah et disponibles en ligne. La suite de l'histoire de Jungle Thorn est également disponible en ligne à l'adresse http://teachertammy4ever.wordpress.com pour que les enseignants puissent l'imprimer et l'utiliser dans leurs classes, si désiré.

Référence recommandée :

Tamara Dietrich Randolph, Des grenouilles et des phonèmes : Recherche en alphabétisation au pays de Jungle Thorn, La Revue d’éducation adventiste, Disponible à https://www.journalofadventisteducation.org/fr/48.2018.5.

NOTES ET RÉFÉRENCES

  1. Susan Neuman et Patricia Koskinen, “Captioned Television as Comprehensible Input: Effects of Incidental Word Learning From Context for Language Minority Students,” Reading Research Quarterly 27:1 (hiver 1992): 94-106; Semih Summak et coll., “Drama Behind the Curtain: Shadow Theatre in EFL/ESL Classes.” Document présenté à la 28e réunion annuelle des enseignants d'anglais pour les locuteurs d'autres langues (TESOL), 8-12 mars 1994. ERIC Document 375 628; S. Jay Samuels, “Reading Fluency: Its Development and Assessment.” Dans Alan E. Farstrup et S. Jay Samuels, és., What Research Has to Say About Reading Instruction (Newark, Del.: International Reading Association, 2002), 166-183; Syed Ahmad, “Learning Style Preferences and Academic Achievements Among PKPG (TESL) Students,” Abstrak Kajian Penyelidikan: Institut Perguruan Tuanku Bainan (2005). Récupéré le 31 décembre 2008 sur http://www.iptb.edu.my/rnd/abstrak05.htm; Ruth Bennett, “Teaching Reading With Puppets.”, Actes de la 7e Conférence annuelle sur la stabilisation des langues autochtones, Toronto, Ontario, Canada, May 11-14, 2000. ERIC Document 42 242.
  2. National Reading Panel, Report of the National Reading Panel―Teaching Children to Read: An Evidence-Based Assessment of the Scientific Research Literature on Reading and Its Implications for Reading Instruction (Washington, D.C.: National Institute of Child Health and Human Development, 2000).
  3. S. Jay Samuels et Alan E. Farstrup, What Research Has to Say About Fluency Instruction (Newark, Del.: International Reading Association, 2006).
  4. Robert Stuebing et Robert Inger, A Field Guide to the Snakes of Borneo (Kota Kinabalu: Natural History Publications [Borneo], 1999).
  5. Tamara Randolph, “Enhancing Reading Comprehension: Sabah Schoolchildren Use Puppets and Scripts to Learn English,” The Journal of Adventist Education 72:3 (février/mars 2010): 43-47.
  6. Norma R. Youngberg, Jungle Thorn (Nashville, Tenn.: Southern Publishing, 1951) est un livre qui raconte la vie d’une petite fille de la jungle qui est tombée sur une épine qui a transpercé son œil. Tamara L. Randolph, Jungle Thorn: The Rest of the Story (2009): https://wallawalla.edu/academics/areas-of-study/education-and-psychology/faculty-staff/contract-teachers/tamara-randolph/jungle-thorn-the-rest-of-the-story/.
  7. Sharon Peck et Aubre Virkler, “Reading in the Shadows: Extending Literacy Skills Through Shadow-puppet Theater,” The Reading Teacher 59:8 (mai 2006): 786-795; Brenda Keogh et coll., “Puppets Bringing Stories to Life in Science,” Primary Science Review 92 (mars/avril 2006): 26-28; Jane Maloney et coll., “Using Puppets in the Classroom to Get Children Talking About Their Ideas,” Teaching Earth Sciences 30:2 (2005): 26; Stuart Naylor et coll., “The Puppets Project: Using Puppets to Promote Engagement and Talk in Science.” Dans Roser Pinto et Digna Couso, éds., Contributions From Science Education Research (New York: Springer, 2007), 289-296.
  8. Samuels et Farstrup, What Research Has to Say About Fluency Instruction.
  9. À Sabah, les écoles élémentaires de la 1re à la 6e année sont appelées « primaires ».
  10. Farstrup et Samuels, What Research Has to Say About Reading Instruction.
  11. Ahmad, “Learning Style Preferences and Academic Achievements Among PKPG (TESL) Students.”
  12. National Council of Teachers of English (NCTE), Standards for the English Languages Arts (Urbana, Ill.: NCTE, 1996), 52:http://www.ncte.org/library/NCTEFiles/Resources/Books/Sample/StandardsDoc.pdf.
  13. Farm Labor Homes est une communauté d'habitation de travailleurs saisonniers, dont beaucoup y vivent toute l'année, qui effectuent les récoltes dans les vignes et les champs d'oignons dans la région de Walla Walla, dans l’État de Washington aux États-Unis.