Scott R. Ward • David Sedlacek • Rogelio Paquini • Jasmine J. Fraser

Un discipulat global de l’étudiant

Le concept du discipulat est souvent compris, malheureusement, comme étant seulement ce que les chrétiens font. On étudie la Bible, on se fait baptiser et on parle aux autres de Jésus. Ces choses, nous devons les faire, mais nous devons comprendre que qui nous sommes est aussi important que ce que nous faisons. Au cœur du discipulat, il y a une relation, et qui nous sommes dans une relation avec Jésus crée un solide cadre pour ce que nous faisons pour lui.

La formation de disciples est un travail d’équipe. Ainsi, cet article est écrit conjointement par les professeurs du département du Discipulat et de l’Education permanente (Department of Discipleship and Lifespan Education—DSLE) au séminaire théologique de l’université Andrews, chacun partageant un bref survol de son domaine de spécialisation ou de son cadre dans le discipulat. Dans le prolongement de l'accent mis par l'ensemble du département sur la clarification et la mise en évidence du discipulat, les auteurs ont commencé à recueillir de courtes réponses d’une page auprès des étudiants séminaristes à travers le monde au moyen d’un devoir intitulé : « Qui vous a discipliné ? » Le témoignage suivant a été écrit par un séminariste qui a été discipliné par plusieurs de ses enseignants dans des écoles adventistes. Il illustre ce point :

Plus que des mots, le discipulat c’est d’abord des soins en action – un témoignage personnel

« Mon discipulat n’a jamais été formel. Personne n’a choisi de marcher avec moi pour m’enseigner comment bâtir une vue spirituelle. J’ai grandi dans l’Église et je connaissais l’importance de la prière, de la lecture des Écritures, et d’une dévotion quotidienne. Je comprenais l’importance de ces choses, mais je n’avais pas un cadre décent pour leur mise en pratique. Mes parents voulaient que j’adopte ces pratiques, mais je les voyais rarement passer beaucoup de temps à développer leur vie spirituelle en dehors de l’église, le sabbat.

Là où j’ai fait l’expérience de ce que je peux considérer être un discipulat, c’est dans l’exemple des enseignants que j’avais à l’école secondaire. Beaucoup d’entre eux avaient des pensées pieuses et des prières avant les cours. Je pouvais dire que la spiritualité et une connexion avec Dieu étaient importantes pour eux. J’ai aussi constaté la manière dont ils géraient des situations difficiles avec des attitudes semblables à celles de Christ. Quand mes enseignants avaient à faire à des élèves difficiles ou qu’ils faisaient respecter les règles, ils le faisaient avec une attitude de miséricorde. Même pour mes propres erreurs, mes enseignants ont manifesté beaucoup de grâce. Je ne savais pas vraiment comment ils développaient leur vie spirituelle, mais je savais que je voulais que ma vie spirituelle ressemble à la leur.

J’ai reçu le discipulat le plus remarquable quand j’étais au collège. En tant qu’étudiant en théologie, j’ai pu parler avec des professeurs qui étaient profondément enracinés dans la Parole de Dieu. Certains avaient été des pasteurs et c’est ce que je voulais devenir. Pendant le temps passé au collège, j’ai pu poser des questions comme : « Comment Dieu vous parle-t-il ? et « Comment réagissez-vous aux prières qui ne sont pas exaucées ? » La possibilité de poser ces questions plus profondes et de recevoir des réponses m’a été utile pour le fondement de ma vie spirituelle. Par-dessus cela, mes professeurs se sont intéressés à mon bien-être. Ils me demandaient sincèrement comment j’allais ou s’ils pouvaient prier pour moi. Leurs soins m’ont profondément marqué. »

Les enseignants doivent commencer à se voir comme des disciples qui ont besoin de se nourrir tout près du cœur de Dieu afin de pouvoir partager leurs expériences personnelles avec les autres2. Je (S.W.) dis toujours à mes séminaristes que s’ils ont une bonne relation avec Jésus et des moments de méditation significatifs avec lui, ils auront toujours à partager quelque chose sur leur expérience avec Jésus ce matin-là, ou la veille, ou la semaine passée, ou quand le moment de méditation le plus significatif a eu lieu. Tous les éducateurs savent, et cela ressort clairement de l’histoire ci-haut, que les étudiants nous voient pour ce que nous sommes véritablement, et quand Jésus brille en nous, ils ne peuvent pas s’empêcher de le remarquer. Et alors, si nous nous mettons à en parler, cela pourra les inspirer dans leur recherche personnelle de sens dans leur vie.

Mais nous devons aussi considérer d’autres influences qui empêchent les disciples de faire pleinement l’expérience de Jésus et de vivre pour lui. Les humains ont été créés pour être en relation avec Dieu (Genèse 2.24-28 ; 3.8,9). Il est fondamental pour notre existence présente et éternelle d’être en relation avec Dieu (Jean 15.5). On peut faire beaucoup de choses pour Jésus sans être dans une relation quotidienne, pieuse et engagée avec lui. Mais il est impossible d’être dans une relation engagée avec Jésus sans partager avec les autres notre expérience avec lui, les faisant participer à des activités qui insufflent de l'espoir et allègent les souffrances de l'humanité.

Le corps enseignant du département de formation de disciples de l'université Andrews a engagé une discussion sur le développement de l'étudiant dans sa globalité.

Survol du discipulat (Scott R. Ward)

Il est important de noter qu’une relation et un temps de dévotion avec Jésus n’est pas un genre d’engagement à taille unique pour les étudiants ou les éducateurs. Les disciples de Jésus ont toutes sortes de formes, de tailles et de couleurs, et ils parlent des centaines de langues représentant des cultures et des dynamiques de relations couvrant un vaste éventail de diversités. D’innombrables styles de dynamiques relationnelles définies scientifiquement, de langages de l’amour et de tempéraments influencent notre façon d’entrer dans des relations. Nos parents et grands-parents ont pu pratiquer leur foi de façons différentes de celles que nous avons trouvées pour nourrir notre spiritualité, et probablement cela pourra aussi être différent de certaines façons qui aideront nos étudiants à se connecter à Jésus. Je crois que tous, nous éducateurs, avons besoin de trouver notre connexion personnelle qui nourrira notre spiritualité afin que nos ministères d’enseignement jaillissent de notre cœur plutôt que de simples obligations religieuses3.

De plus, chaque génération réagit et adapte à des choses de la génération précédente. Chaque génération fait des changements qui débouchent sur de nouvelles façons de penser et d’interagir, et qui adaptent et créent une nouvelle culture. Ces changements ne sont pas toujours positifs ni en accord avec les principes bibliques, et ils peuvent promouvoir des idéologies suppressives et destructrices. La réalité que nous vivons tous dans un monde de péché où, tous, nous sommes victimes d’afflictions et d’abus divers a également un impact sur notre capacité d’avoir des relations saines avec Jésus et d’autres humains.

Bien que nous soyons de cultures, de langues et de tempérament différents, collectivement nous avons des similarités dans nos pratiques pieuses et dans la façon dont nous interagissons avec Jésus. Parfois, ces similarités deviennent des rencontres rituelles qui divisent et freinent la croissance de notre relation avec Jésus. Ainsi, nos différences et similarités mettent au défi éducateurs et dirigeants pastoraux d’évaluer les besoins individuels et collectifs du discipulat et de développer des approches pour combler les besoins dans chaque contexte.

Alors que nous nous engageons dans le discipulat, nous devons reconnaître la diversité et les luttes dans l’incroyable diversité des personnes et des circonstances autour de nous. Pour avoir une approche globale du discipulat de nos étudiants, cela exige que nous cherchions à comprendre leurs besoins spirituels mais aussi émotionnels.

Un des défis du discipulat global est la tendance à compartimenter notre vie ainsi que les problèmes auxquels nous faisons face. Je crois que ce phénomène est source de méthodes idéalisées de discipulat qui ne parviennent pas à combler adéquatement les besoins spirituels et émotionnels de nombreuses personnes. Tout ce qui affecte notre dynamique relationnelle avec Jésus ou les autres (positivement ou négativement) doit être inclus dans notre cheminement de discipulat. Nous avons plus de chance de devenir de bons disciples affichant les fruits de l’Esprit, si nous considérons que toutes nos expériences sont des opportunités de guérison et d’épanouissement.

Je me suis investi dans le discipulat des jeunes, les conduisant à une relation de plus en plus étroite avec Jésus, une relation qui naturellement produit le fruit de l’Esprit. Tout au long de ma carrière en tant que pasteur de la jeunesse et enseignant (enseignant d’art bénévole, enseignant de la Bible adjoint et actuellement professeur dans un séminaire), je me suis astreint à enseigner aux jeunes des pratiques de vie spirituelle et de service par le biais de groupes de réflexion sur le campus à l'heure du déjeuner dans mon école secondaire locale et au niveau élémentaire supérieur. Ces projets de sensibilisation ont impliqué des services communautaires, des voyages missionnaires et d’autres méthodes d’évangélisation. Beaucoup de ces jeunes continuent à croître dans leurs pratiques religieuses et sont engagés envers Jésus en servant l’humanité.

Le discipulat est aussi une initiative communautaire. Grâce à des efforts collaboratifs, j’ai également pu construire et favoriser une communauté, m'engager dans le ministère du discipulat au sein de l'église et de l'école en animant un club sur le campus d’une des écoles secondaires locales. Ce ne sont là que quelques-uns des résultats pratiques de mon travail sur le discipulat et la spiritualité biblique pendant mes études doctorales. Au cours des années, ma passion pour le discipulat à travers le prisme des relations et de la communauté s’est approfondie. Je m’efforce d’équiper les enseignants et les pasteurs avec des outils pour une collaboration de l’Église et de l’école dans leur approche du discipulat.

Discipulat et traumatismes (David Sedlacek)

Nous vivons dans un monde déchu. Il en résulte douleurs, souffrances et traumatismes, qui tous entravent notre capacité à avoir confiance en Dieu. Je (D.S.) crois que puisque le discipulat, par définition, est d’aider les gens à développer une relation aimante et intime avec Dieu, le but de Satan est d’entraver autant que possible le processus du discipulat. Il le fait de plusieurs façons. Il sait que Dieu fait rendre des comptes aux enfants pour la faute des parents jusqu’à la troisième et la quatrième génération (Deutéronome 5.9). La science moderne confirme cette réalité biblique4. Tant la génétique que l’exemple parental rendent les enfants vulnérables aux traumatismes familiaux tels que d’avoir un parent divorcé, malade mental, drogué ou en prison. Encore plus directement, les abus physiques, émotionnels et sexuels dans le foyer, la violence domestique ou la négligence émotionnelle et physique des besoins de base de l’enfant peuvent être traumatisants5. On peut encore nommer des traumatismes additionnels comme les traumatismes communautaires, vivre dans un quartier dangereux, le harcèlement, ou être exposé à des fusillades de masse. Les traumatismes environnementaux – dommages causés par une inondation, le feu, un tremblement de terre, une tornade, un ouragan, une chaleur excessive, et plus encore – peuvent susciter de l’anxiété et de l’hypervigilance chez ceux qui y sont exposés6.

Dans le plan de Dieu, les parents sont à sa place pour discipuler leurs enfants dans une relation d’amour avec Jésus. Cependant, quand les parents, à cause de leur propre fragilité, ne sont pas présents émotionnellement ou physiquement pour leurs enfants, ou sont activement engagés dans les abus de leurs enfants, la capacité de ces derniers à voir Dieu comme aimant inconditionnellement est diminuée. Si les parents que les enfants voient et connaissent ne sont pas dignes de confiance, un Père céleste que l’on ne voit pas peut-il l’être ? Les enfants peuvent participer à l’école du sabbat, aux services d’adoration, aux Aventuriers et aux Explorateurs, et ils peuvent avoir une relation cognitive avec Dieu et être très consciencieux dans la façon de pratiquer leur foi, mais ils peuvent ne pas croire que Dieu les aime et qu’on peut lui faire pleinement confiance7. Plus encore, étant donné que les élèves inscrits dans les écoles adventistes viennent aussi de foyers qui sont séculiers, agnostiques ou de diverses traditions religieuses et qu’ils n’ont pas été exposés au discipulat, les éducateurs adventistes ont besoin d’être particulièrement attentifs à leurs besoins.

L’objectif de discipliner des personnes brisées, traumatisées est de leur donner une telle expérience d’amour inconditionnel (grâce à des communautés sûres ou au moyen de processus de consultations thérapeutiques) que, plutôt que d’être gravement affectés par l’anxiété ou l’hypervigilance, ils seront habilités à ouvrir leur cœur à l’amour de Dieu (1 Jean 4.18). Des communautés sûres peuvent inclure des programmes centrés sur Christ en douze étapes comme Journey to Wholeness (Voyage vers la plénitude) (https://www.adventistrecoveryglobal.org/resources/journey-to-wholeness/) ou encore des groupes pour hommes ou pour femmes qui se concentrent sur la guérison émotionnelle. Les interventions professionnelles devraient être axées sur les traumatismes et inclure un élément expérientiel. La blessure est survenue dans une relation avec quelqu’un d’autre, et la guérison se fait au mieux quand des composants cognitifs et expérientiels sont inclus. Il est important de noter que ces interventions et ces occasions de guérison sont importantes non seulement pour les étudiants avec lesquels nous travaillons mais aussi pour les éducateurs et les parents.

Nous (S.W. et D.S.) avons vu l’importance de tenir compte de la douleur et du traumatisme dans la relation de discipulat. Il est primordial de comprendre le cheminement d’un individu afin de mieux comprendre les étapes prochaines du discipulat pour un individu donné et comment nous pouvons l’entourer et le soutenir du mieux possible. Cela inclut de comprendre le cheminement de nos confrères enseignants ainsi que celui de nos étudiants. Plus chacun pourra comprendre que nous (pasteurs, enseignants, parents et étudiants) sommes tous victimes de traumatismes, plus nous pourrons essayer de travailler ensemble pour nous soutenir les uns les autres dans nos cheminements spirituels et dans la formation d’une véritable communauté spirituelle.

Discipulat et culture (Rogelio Paquini)

Le discipulat des jeunes est un aspect essentiel de leur développement spirituel. Le discipulat est un espace où les jeunes peuvent se réunir, grandir dans leur foi et bâtir une communauté. Dans ce contexte, la culture et la spiritualité se croisent de manière significative. Dans mon (R.P.) expérience, et cela étant étayé par la littérature et la recherche sur le discipulat, j’ai trouvé que la culture inspire comment les jeunes comprennent et s’engagent dans la spiritualité, un facteur important dans le façonnage de leur culture. James Emery White définit la culture comme étant « le contexte complet et pénétrant qui englobe la vie et la pensée, l’art et le discours, les divertissements et la sensibilité, les valeurs et la foi »8.

La dynamique de la société et les structures sociales façonnent la culture des jeunes. Dans de nombreux groupes, un désir d’indépendance, d’appartenance, une recherche de sens et de but définissent la culture des jeunes9. La façon dont les jeunes abordent la spiritualité et la foi semble être une expression de leur culture de jeunes. Ils veulent comprendre leurs croyances et leurs pratiques d’une manière qui leur paraisse logique, et ils veulent exprimer leur spiritualité de manières significatives et pertinentes par rapport à leurs expériences.

Un des principaux défis du ministère de la jeunesse est de fournir aux jeunes un espace pour explorer leur foi et leur spiritualité dans un environnement sûr et favorable. Les bonnes pratiques du discipulat exigent un environnement ouvert et inclusif où les jeunes sont encouragés à poser des questions et partager leurs pensées et leurs sentiments. À l’automne 2019, avant la Covid-19, le Springtide Institute a interrogé un échantillon représentatif de 1000 jeunes de 13 à 25 ans aux États-Unis. En complément des enquêtes, les chercheurs ont mené 35 entrevues en profondeur. Les réponses indiquaient que 36 % de cette population « n’a personne à qui parler »10. Les recherches d’après la pandémie sont en cours, mais ce que cette étude continue de révéler est qu’un jeune adulte sur trois aux É.-U. se sent complètement seul, 40 % croient qu’ils n’ont personne avec qui parler et 45 % croient qu’on ne les comprend pas11. Les éducateurs et autres leaders engagés dans le ministère à la jeunesse doivent démontrer une volonté d’écouter et de s’engager dans des conversations ouvertes et honnêtes avec les jeunes dont ils ont la charge.

Dans le discipulat des jeunes, la relation avec d’autres cultures est essentielle parce que cela les aide à élargir leurs horizons et développer de l’empathie pour ceux qui leur sont différents. Jennifer Guerra Aldana est celle qui le dit le mieux : « La diversité est un cadeau »12. La confrontation à la diversité peut conduire à une compréhension et une acceptation accrues des pratiques, croyances et valeurs culturelles diverses. Quand les jeunes entrent en contact avec d'autres personnes d'horizons différents, ils sont plus susceptibles d’avoir l’esprit large et d’être ouverts à la diversité. Cela est impératif dans le monde d’aujourd’hui où nous sommes plus connectés que jamais. Les jeunes doivent comprendre et respecter les différences culturelles de ceux qui les entourent. En tant qu’éducateurs, nous sommes aussi responsables de leur enseigner comment utiliser leur connaissance des principes bibliques pour comprendre ce qui aide l’humanité à s’épanouir, puis leur fournir des occasions d’appliquer cela dans leur vie. Les relations avec d’autres cultures peuvent promouvoir la croissance spirituelle et une compréhension plus profonde de l’amour de Dieu pour tous les peuples indépendamment de leur origine.

Cependant, alors que les jeunes se diversifient progressivement, de nombreux ministères n’ont pas encore contextualisé leurs pratiques afin d’accueillir cette population et de se rapprocher d’elle. Un exemple clair et direct d’un manque de contextualisation est l’absence d’intégration des jeunes dans la participation et l’implication du processus de prise de décision dans la majorité des églises, même quand celles-ci proclament se soucier d’eux. Dans de tels cas, les programmes et les styles affichent plus d’intérêt pour les goûts et intérêts des générations antérieures qu’à ce qui est pertinent pour les jeunes.

Les universités et les écoles secondaires ont un avantage sur les églises locales puisqu’elles ont une plus forte population de jeunes et fonctionnent dans le contexte des jeunes. Leurs bénévoles pour les services à la chapelle et les dirigeants de l’adoration sont des étudiants. Cependant, comme je (R.P.) l’ai entendu dire de nombreux étudiants des deux niveaux scolaires, ils ne sentent pas que les cours de Bible correspondent à leurs besoins. Ainsi, les professeurs et les enseignants de Bible doivent prendre conscience des caractéristiques de cette génération et créer un environnement d’apprentissage qui soutient les étudiants dans leur contexte.

Chaque culture tout autour du monde crée des relations différemment et selon leurs diverses traditions et pratiques culturelles. Comme dit plus tôt, la spiritualité et le discipulat ne sont pas des activités à taille unique. Il est hautement important de rencontrer les gens là où ils sont dans leur culture – qu’elle soit ethnique ou générationnelle – afin de leur donner la meilleure opportunité de comprendre le message de l’Évangile et d’être attirés dans la nouvelle culture de discipulat du contexte de l’église locale.

Un cadre biblico-théologique pour comprendre et pratiquer le discipulat (Jasmine R. Fraser)

Un cadre biblico-théologique pour comprendre et pratiquer le discipulat est centré sur le Grand Mandat (Matthieu 28.19,20) de prêcher, enseigner et baptiser. Jésus a donné ce mandat dans ses mots d’adieu avant de monter au ciel. Cependant, je crois que nous ne devons pas rater l’aspect pratique du discipulat exprimé dans la vie de Jésus dans ses relations avec les gens, particulièrement les douze hommes de son cercle intime. Jésus est l’ultime modèle du discipulat. Il a donné l’exemple de ce qu’il a enseigné. Il a montré à ses disciples ce à quoi une vie de dévotion avec son Père ressemblait (Marc 1.35 ; Matthieu 11.25-30 ; Jean 17). Jésus a aussi donné l’exemple de ce qu'il fallait faire pour répondre aux besoins émotionnels de ses disciples. Il a exprimé de l’empathie et de la compassion en répondant à ces besoins (Matthieu 9.36 ; 14.14 ; 20.34 ; Marc 1.41 ; Jean 11.32-30).

À plusieurs reprises, nous voyons Jésus adopter une approche globale du discipulat, comblant les besoins physiques, physiologiques, psychologiques et ultimement spirituels de ceux qu’il servait. Matthieu 9.36 nous dit que quand Jésus voyait les foules, « il était ému de compassion car elles étaient lassées et abattues, comme des moutons qui n’ont pas de berger » (NBS)13. Alors que Jésus était témoin de la souffrance du peuple qu’il servait, il sentait leur angoisse et il était ému de compassion. Sa compassion le poussait à se soucier de leurs besoins physiques et physiologiques et il les guérissait, ouvrait les yeux des aveugles et nourrissait les foules (Matthieu 14.14-21 ; 20.34). Sa réponse éplorée (Jean 11.35) à Marthe et Marie lors de la mort de leur frère Lazare indique que psychologiquement il était sensibilisé à l’angoisse émotionnelle qui accompagne le deuil et la perte. Il entrait dans l’expérience de ses disciples, ressentant de l’empathie à leur égard, partageant leur affliction et apportant du réconfort à celui qui souffrait. L’auteur du livre des Hébreux nous dit aussi que Jésus n’était pas « insensible à nos faiblesses » (Hébreux 4.15), et cela confirme son approche compatissante et empathique du discipulat.

Il est également nécessaire de comprendre le rôle central du Saint-Esprit dans le processus du discipulat. Paul discute des divers fruits que l’Esprit donne aux disciples comme outils pour construire des relations et des communautés saines (Éphésiens 4.1-12). Puis, aux versets 14 à 16, il souligne la raison et les avantages des dons du discipulat. Alors que les dons ont de multiples facettes, l’objectif commun est le développement de Jésus dans chaque disciple (verset 13). Ce développement conduit à la maturité. « Le but de l’octroi des dons est que les enfants de Dieu puissent grandir dans la virilité spirituelle »14. La mise en œuvre des dons de l’Esprit est le fruit de l’Esprit. Alors que nous croissons en foi, nous sommes habilités à vivre et parler la vérité dans l’amour, à devenir plus comme Jésus qui est l’Amour et la Vérité. Tandis que chaque disciple connaît une transformation à travers des rencontres et des relations pieuses avec Jésus et la communauté, nous grandissons collectivement dans l’unité, et construisons le corps de Christ. (Voir l’encadré Attributs du modèle relationnel-communautaire du discipulat)

Une définition de base du discipulat

Avant d’offrir quelques suggestions finales pour s’engager dans le discipulat en classe, considérons une courte définition puis la déclinaison du discipulat global.

Discipulat : conduire les gens dans une relation croissante avec Jésus.

Conduire : Tous les leaders conduisent par l’exemple qu’ils le sachent ou pas – les actions sont plus puissantes que les mots. Vous ne pouvez pas conduire les autres dans ce que vous n’avez pas, et surtout pas quand il s’agit d’une relation personnelle avec Jésus.

Croissante : Une saine croissance, selon les principes de l’éducation adventiste décrite par Ellen White, est entretenue en s’adressant au corps, au cœur et à l’esprit15.

  • Le corps est physique et émotionnel et il est affecté par les traumatismes.
  • Le cœur est à la fois cognitif et émotif et implique différents styles d’apprentissage, de langages de l’amour et de tempéraments16. Tous sont touchés par la culture et la situation des générations.
  • L’esprit est notre expérience avec Jésus à travers le Saint-Esprit. Il implique aussi la guerre spirituelle et la lutte contre les influences démoniaques et l’oppression /dépression non seulement à l’intérieur de l’individu mais affectant aussi toute la création divine du début à la fin—soit la Grande Controverse.

Ces trois domaines (corps, cœur, esprit) travaillent ensemble pour une santé et une croissance optimale, et chacun doit être nourri par des pratiques efficaces de discipulat qui ultimement mènent à l’équipement et à l’envoi des disciples (Actes 2). Quand nous abordons les domaines du corps, du cœur et de l’esprit, nous ne devons pas oublier que tous sont affectés par divers traumatismes que les individus rencontrent dans leur vie. Une saine communauté de discipulat soutiendra les uns et les autres et les aidera dans tous ces domaines de la vie afin de produire des disciples de Jésus bien équilibrés.

Relation : La relation est entre les « gens » et « Jésus ». Et la relation avec Jésus est fortement impactée par la communauté des « gens » avec des « gens ». Aussi, il y a une différence entre avoir une connaissance de Jésus et entrer dans une relation personnelle avec lui afin de vraiment le connaître intimement de manière à ce que sa vie transforme une personne – et la reforme à son image.

Agir

En nous basant sur la discussion et la définition ci-haut, voici quelques mesures de base qui aideront, nous le croyons, les éducateurs qui priorisent le discipulat global des étudiants. De nombreux éducateurs utilisent déjà certaines de ces mesures. Notre but donc est de simplement nous rappeler gentiment à tous de leur impact spirituel potentiel :

  1. La spiritualité découle de la vie de dévotion personnelle du leader. Si vous avez du mal à savoir comment s'engager dans la dévotion ou à prioriser le temps de méditation, vous n’êtes pas seul. L’engagement spirituel est une discipline qui ne se fera pas sans effort. La clé est de reconnaître l’impact positif d’une vie de dévotion active, régulière sur les expériences quotidiennes. Comme signalé plus tôt dans cet article, le temps spirituel n’est pas une entreprise à taille unique. Une bonne ressource pour mieux comprendre comment améliorer sa relation avec Jésus et bâtir une vie de dévotion efficace est Authentic : Where True, Life-changing Christianity Begins (Hagerstown, Md : Review and Herald,2012). Tout comme TAG Time (Time Alone with God – un temps seul avec Dieu) a montré de grands avantages pour les enfants, il est important pour les éducateurs et autres leaders en éducation de s’en rappeler l’importance pour eux aussi. Ce temps passé seul avec Dieu permet également aux enfants de découvrir leurs propres langages d’amour et leurs styles d’apprentissage.
  2. Peu de personnes, excepté leurs parents, connaissent les étudiants mieux que leurs enseignants. Alors que l’on aide les enfants à grandir physiquement, émotionnellement et spirituellement, il est très important de prendre le temps de faire le point avec les étudiants qui semblent avoir des difficultés. Prier avec les étudiants qui rencontrent des problèmes à la maison ou des brimades à l’école (mais aussi mettre en place des règles pour prévenir de tels événements) peut être aussi un grand encouragement spirituellement. Il ne faudrait jamais sous-estimer l’importance de l’attention et de la sollicitude que les enseignants offrent à leurs élèves. Cela est absolument important pour la création d’une communauté – celle-ci étant le fondement de l’Église de Christ sur la terre. Il est aussi important de savoir quand orienter des étudiants pour des conseils professionnels ou d’autres formes de soutien nécessaire.
  3. Le rayonnement est un aspect essentiel de la spiritualité. Cet aspect est mentionné dans la définition plus haut comme étant « équiper et envoyer ». Il est important, pour la spiritualité des étudiants, de leur donner la possibilité de s’engager dans le service communautaire, en plus de leur permettre d’être utiles en classe. Dans mon (S.W.) expérience, le service communautaire et le concept de base d’apprendre à aider les autres peuvent être un formidable catalyseur pour un intérêt spirituel plus grand et une meilleure croissance spirituelle. Si votre école n’a pas déjà un excellent programme de service communautaire, visitez http://collaborativeministry.org pour plus d’idées de service communautaire et apprendre comment l’implication communautaire a sa place dans la spiritualité globale de votre école. Servir la communauté est un résultat naturel d’une spiritualité plus profonde, et tout comme la vie de dévotion du leader est fondamentale à la spiritualité, ainsi en est-il de l’engagement actif à servir les autres, de concert avec les étudiants, les pasteurs et les parents.

Conclusion

Le discipulat exige que nous sachions qui nous sommes en tant que disciples et quel est notre appel. Nous, éducateurs adventistes, devons conduire par l’exemple, et cela signifie nourrir notre propre relation avec Christ et être prêts, et désireux, de la partager. Nous devons avoir de l’attention pour nos étudiants, et cela signifie que nous comprenons leur vie, leurs traumatismes, et cherchons intentionnellement des manières de les encourager et les soutenir dans leur croissance physique, mentale et spirituelle. Nous devons non seulement créer des environnements qui les encouragent et les soutiennent mais aussi qui les lancent dans l'action sociale et le service pour les autres. Ces principes servent de fondement au discipulat et peuvent aider à bâtir un cadre pour conduire les gens à une relation croissante avec Jésus Christ, ce qui est le véritable objectif de l’éducation adventiste17.

Cet article a été revu par des pairs.

Cet article a été co-écrit par les professeurs du département de la Formation de disciples et de la formation permanente (DSLE) du séminaire théologique adventiste du septième jour de l'université d'Andrews. Chaque auteur s'est appuyé sur sa spécialité particulière au sein du département.

Scott R. Ward

Scott R. Ward, DMin, est professeur adjoint de formation de disciples et de formation permanente dans le département de la Formation de disciples et de la formation permanente (DSLE) au séminaire théologique adventiste du septième jour de l'université Andrews (Berrien Springs, Michigan, États-Unis). Son doctorat est en formation de disciples et en spiritualité biblique. Il a exercé de nombreuses fonctions en tant que pasteur et enseignant auprès des jeunes. Son engagement passionné dans l'étude de la spiritualité et de la formation de disciples est à l'origine de cette discussion qui vise à mieux comprendre et à mieux pratiquer le discipulat.

David Sedlacek

David Sedlacek, PhD, LMSW, CFLE, est professeur de ministère de la famille et de formation des disciples et de formation permanente (DSLE) au séminaire adventiste du septième jour de l'université Andrews University (Berrien Springs, Michigan, États-Unis). Il est également président de la DSLE. D. Sedlacek est titulaire d'un doctorat en travail social. Il mène des recherches sur les effets des expériences néfastes de l'enfance (Adverse Childhood Experiences – ACE) sur la spiritualité des étudiants en théologie. Il discute de l'importance de la gestion des traumatismes et de leur impact sur la vie des disciples.

Rogelio Paquini

Rogelio Paquini, DMin, est professeur adjoint des ministères de la jeunesse et des jeunes adultes au séminaire adventiste du septième jour de l'université Andrews (Berrien Springs, Michigan, États-Unis). Il est également directeur du programme de master en formation de disciples et en éducation permanente. Le R. Paquini est titulaire d'un doctorat en ministère de la jeunesse et a servi pendant de nombreuses années en tant qu'implanteur d'églises et pasteur principal de congrégations de jeunes adultes dans le sud de la Californie. Il est bilingue et multiculturel, ce qui lui donne non seulement l'expérience de multiples cultures ethniques, mais aussi celle des relations culturelles intergénérationnelles. Il aborde la question de la culture dans la formation des disciples.

Jasmine J. Fraser

Jasmine J. Fraser, Ph.D., est professeure adjointe de formation de disciples et d'éducation permanente au séminaire adventiste du septième jour de l'université Andrews (Berrien Springs, Michigan, États-Unis). Elle est également directrice du programme de doctorat en formation de disciples et en éducation permanente. Le J. Fraser est titulaire d'un doctorat en éducation religieuse et a servi l'Église dans diverses fonctions de discipulat. Elle enseigne actuellement dans le domaine de la formation de disciples et du ministère de la famille. Elle discute d'un cadre biblico-théologique pour comprendre et pratiquer le discipulat.

Référence recommandée :

Scott R. Wald et coll., Un discipulat global de l’étudiant, Revue d’éducation adventiste, n° 66.

NOTES ET RÉFÉRENCES

  1. Témoignage personnel d’un étudiant partagé avec permission.
  2. Journey to the Heart of God de S. Joseph Kidder (Nampa, Idaho: Pacific Press, 2019) est une ressource recommandée pour une réflexion plus approfondie de ce concept.
  3. Scott R. Ward est dans la phase de révision d’un livre qui aidera les pasteurs, les enseignants et les parents à découvrir des moyens de se connecter à Jésus et de partager leur spiritualité avec les élèves au sein de leur sphère d'influence. Le titre préliminaire est Following Jesus : Stories of Discipleship and Devotional Life.
  4. Curt Thompson, Anatomy of the Soul: Surprising Connections Between Neuroscience and Spiritual Practices That Can Transform Your Life and Relationships (Carol Stream, Ill.: Tyndale House Publishers, 2010).
  5. Vincent J. Felitti et coll., “Relationship of Childhood Abuse and Household Dysfunction to Many of the Leading Causes of Death in Adults, The Adverse Childhood Experiences (ACE) Study,” American Journal of Preventive Medicine 14:4 (mai 1998): 245-258.
  6. The National Child Traumatic Stress Network, “Trauma Types” (n.d.): https://www.nctsn.org/what-is-child-trauma/trauma-types.
  7. David Sedlacek et Beverly Sedlacek, Cleansing the Sanctuary of the Heart: Tools for Emotional Healing (San Diego, Calif.: Readers Magnet, 2018).
  8. James Emery White, Meet Generation Z: Understanding and Reaching the New Post-Christian World (Grand Rapids, Mich.: Baker Books, 2017), 80.
  9. Kara Powell et Brad M. Griffin, dans leur étude sur la génération Z, affirment que pour ces jeunes, trouver un but à leur vie est l'un des trois principaux moteurs de la recherche d'identité. Voir Kara Powell et Brad M. Griffin, 3 Big Questions That Change Every Teenager: Making the Most of Your Conversations and Connections (Grand Rapids, Mich.: Baker Books, 2021).
  10. Springtide Research Institute, Belonging: Reconnecting America’s Loneliest Generation (Winona, Minn.: Springtide Research Institute, 2020), 16. https://orsl.usc.edu/wp-content/uploads/2022/10/BelongingReport-Springtide.pdf.
  11. La recherche post-pandémique de l'Institut de recherche Springtide se poursuit et peut être consultée à https://www.springtideresearch.org/research/belonging.
  12. Jennifer A. Guerra Aldana, “Guiding Values for Multicultural Youth Ministry,”Fuller Youth Institute (29 mars 2018): https://fulleryouthinstitute.org/blog/guiding-values-for-multicultural.
  13. Toutes les citations bibliques sont tirées de la Nouvelle Bible Segond, NBS, 2002.
  14. The Seventh-day Adventist Bible Commentary (Hagerstown, Md.: Review and Herald,1980), 6:1024, 1025.
  15. Ellen G. White, Education (Mountain View, Calif.: Pacific Press, 1903), 14.
  16. Je (Jasmine J. Fraser) fais passer ces questionnaires à mes étudiants pour les aider à découvrir leur style personnel d'engagement dévotionnel : Barsch Learning Style Inventory:
    https://sarconline.sdes.ucf.edu/wp-content/uploads/sites/19/2017/07/Barsch_Learning_Styles_Inventory11.pdf; Open-Source Psychometrics Project (Tempérament): https://openpsychometrics.org/tests/O4TS/; 5 Love Languages https://5lovelanguages.com/quizzes/love-language; Gospel Enneagram: https://www.gospelenneagram.com/assessment.
  17. General Conference Policy Manual, “Seventh-day Adventist Philosophy of Education (Policy FE05, FE10)” (Silver Spring, Md.: General Conference of Seventh-day Adventists, 2003), 221-228.