Pour les éducateurs dans les écoles adventistes, le choix d’un manuel, d’une vidéo illustrant un point ou même la sélection d’articles à faire lire aux étudiants présentent des défis posés par les influences du sécularisme dans l’éducation publique. La difficulté surgit souvent du non alignement de la foi avec les théories largement acceptées dans une discipline, conduisant à la question : « Comment positionner ma foi chrétienne alors que je cherche à comprendre les principes d’une discipline ? »

Les éducateurs chrétiens se distinguent des éducateurs non chrétiens de diverses façons. Les éducateurs chrétiens croient que la Bible est la Parole de Dieu et ils acceptent comme Vérité que Jésus est la manifestation terrestre de Dieu le Créateur et le Fils oint de Dieu. Les chrétiens se réfèrent à la Bible pour comprendre, adorer et croître spirituellement. Ils croient que Jésus-Christ est venu sur la terre pour sauver des pécheurs, et pour eux, la Bible est leur guide de référence et de vie.

Le processus de réflexion sur la Bible peut prendre plusieurs formes : le simple questionnement, la formation de jugements d’autorégulation1, le scepticisme réfléchi2, et le déplacement de la réflexion au-delà des limites humaines dans une recherche de la sagesse et la compréhension divines3. Les éducateurs cherchent constamment à comprendre comment aborder les questions au cœur de leur discipline, et les éducateurs chrétiens cherchent à réconcilier leur foi dans les vérités bibliques dans les domaines de leurs disciplines influencés par la pensée séculière. Dans cet article, je vais discuter du mouvement en développement de la pensée critique et des implications de l’approche séculière pour la foi et la pratique religieuses.

Contexte et objectifs séculiers de l'éducation

Au cours des quelques dernières décennies, de nombreux mouvements éducatifs ont affecté les pratiques et les politiques éducatives. Et alors que les théories deviennent des pratiques, ces mouvements continuent à exercer un impact sur les éducateurs chrétiens qui cherchent à aligner les principes bibliques sur le contenu de la matière et sur les questions d'apprentissage telles que la nécessité d'améliorer les capacités de réflexion et de résolution de problèmes des élèves et leur motivation ainsi que l’impact de la piètre estime de soi des étudiants sur leur capacité d’apprendre.

Le mouvement de l'estime de soi est un exemple primaire qui remonte à 1969 et au livre phare de Nathaniel Branden The Psychology of Self-Esteem. Dans cet ouvrage, Branden affirmait que la clé du succès dans la vie est de développer une estime de soi positive chez les enfants. À la suite de la publication de ses pensées, la tâche de la parentalité et de l’éducation s’est transformée en la mission de bâtir la confiance dans les futures générations d’étudiants. Une façon d’augmenter cette confiance était d’enseigner aux enfants à porter un regard critique sur le monde qui les entoure.

Les années 1980 ont donné naissance à de nouvelles expressions des mouvements de l’estime de soi et de la pensée critique en les intégrant dans les programmes scolaires. Dès le début des années 80, je me suis mise à réfléchir à la signification de ces enseignements pour la formation d'une génération qui arriverait à maturité au 21e siècle.

Maintenant, deux décennies dans le 21e siècle, la pensée critique et l’estime de soi ont convergé dans une expression générationnelle du moi qui est souvent dédaigneuse des autorités extérieures. L’empressement à s’exprimer et le rejet des limites à l’expression ou aux opinions personnelles semblent enracinés dans l’autorité de la connaissance de soi. La hâte de dire « ma vérité » ou « mon opinion » suggère que l’individu croit qu’il possède une connaissance complète et approfondie.

L’histoire de l’aveugle et de l’éléphant nous est familière. De nombreuses traditions racontent aussi l’histoire de la fourmi qui, du dessous d’un éléphant, regarde vers le haut et déclare qu’il n’y a pas de ciel parce que tout ce qu’elle peut voir ce sont les poils noirs de son ventre. Tout contexte impose à la perspective des limites.

Que ces limitations soient le résultat des limites naturelles d’une compréhension individuelle, d’un manque de sensibilisation, ou des contraintes contextuelles de la vision, toute limitation remet en cause le point de vue d'une personne, et cela inclut la façon dont les chrétiens réfléchissent sur les Écritures et la vie.  Une personne qui survalorise l’expression de soi peut difficilement engager un dialogue constructif avec une personne qui cherche à poursuivre une réflexion approfondie à partir de différents points de vue.

Une approche réaliste de la vérité est souvent liée à un autre concept que beaucoup croient être nouveau, soit le concept de l’ouverture d’esprit. Beaucoup de gens pensent que l'une des caractéristiques de l'esprit intelligent est la capacité à faire preuve d'ouverture d'esprit, à être disponible mentalement pour de nouvelles découvertes et de nouvelles idées.  Ces personnes croient que la vérité est en constante évolution. Un esprit fermé est alors autolimité tandis qu’un esprit ouvert est progressif et en apprentissage permanent.

L’ouverture d’esprit n’est pas un nouveau concept du 21e siècle. Il est courant dans l’éducation et particulièrement dans l’éducation supérieure. Selon des penseurs comme John Dewey et Bertrand Russell4, l’ouverture d’esprit est un des buts fondamentaux de l’éducation et des approches de la pensée critique.

Pensée critique et apprentissage

Il existe beaucoup de définitions de la pensée critique. On parle de la capacité à poser un jugement utile et autorégulateur5, de la capacité générale d'interpréter les informations et d'aborder correctement les problèmes6 ou la simple compétence d'analyser les arguments7. Les éducateurs ont appelé à l'enseignement des compétences critiques ; pourtant, les résultats de la mise en œuvre de la pensée critique dans le programme d'études n'ont pas montré de manière concluante que les faibles gains en matière de pensée critique n'étaient pas simplement le résultat de l'apprentissage en général. Ils n'ont pas montré non plus que ces gains résultaient de l'enseignement spécifique de la pensée critique8. Indépendamment des définitions et des augmentations rapportées dans les compétences de pensée critique9, le mouvement de pensée critique a maintenant remplacé le mouvement de l’estime de soi qui a balayé les écoles en Amérique à tous les niveaux pendant les années 80 et 9010.

Éducateurs et employeurs considèrent que la pensée critique (réflexion, analyse et résolution de problèmes) est une compétence essentielle pour la vie et le travail. Cet intérêt pour la pensée critique est manifeste au vu du nombre d’universités11, dont Oakwood University (OU) à Huntsville, Alabama, É.U. où je travaille, qui accordent une attention particulière à l'obtention de résultats d'apprentissage spécifiques en matière de réflexion critique. Ceci se manifeste par écrit12 et dans le désir des employeurs d'avoir des employés qui ont ces compétences pour l'analyse et la résolution de problèmes13.

Les approches de l’enseignement et l’évaluation des compétences en matière de pensée critique varient. Certains instructeurs, quand ils enseignent la pensée critique, guident le processus de réflexion sur la pensée de chacun avec des objectifs allant de l'impartialité à l'évaluation. D’autres adoptent une approche plus axée sur la discipline14 et guident la réflexion au sein d’une matière ou d’une profession comme le raisonnement scientifique dans le cadre des disciplines des sciences, des technologies, de l'ingénierie et des mathématiques (STEM). Réfléchir sur sa façon de penser est absolument nécessaire pour s’instruire et devenir un employé hautement productif et un citoyen informé. Le besoin d’avoir des individus qui possèdent des compétences de réflexion et de résolution des problèmes est en hausse dans notre société. Cependant, quand il s’agit  des cadres du mouvement de la pensée critique, les enseignants séculiers et souvent anti-religieux sont omniprésents dans les écoles et les universités (voir la Figure 1).

Pensée critique et foi

On présente souvent la pensée critique comme étant en tension avec la foi religieuse ou toute pensée qui permet l’acceptation de la Bible en tant que Vérité. À première vue, les termes « pensée critique » et « foi religieuse » semblent très disparates – surtout pour l’esprit séculier. Les chrétiens voient un lien avec la Bible qui est la source de la Vérité avec laquelle l'esprit s'engage pour comprendre le monde – et ils croient que le sens provient des Écritures.  Ces dernières étant le fondement de la vie, les contributions humaines à la pensée doivent être vues comme secondaires aux principes qui en sont tirés. Les Écritures débutent avec le commencement de toutes choses et se terminent avec l’ultime plan divin pour cette vie et la vie éternelle. Et entre les deux, on trouve des conseils pour le cheminement du chrétien.  La Bible aborde les mêmes questions que la philosophie humaine : de l’origine de la vie à la fin de la vie, et comment nous devrions penser et se conduire entre les deux.

Dans cet article, nous abordons comment les écoles adventistes devraient intégrer la Bible à la vie et au quotidien, et enseigner aux élèves à faire de même. Cette orientation philosophique est tirée de la Bible (voir Figure 2) et façonne la vision du monde du chrétien. C’est une vision du monde qui déclare que la foi est un des absolus pour vivre en chrétien, et que la foi dans l’invisible peut coexister et coexiste effectivement avec la raison.

L’ouverture d’esprit est un élément de la pensée qui a réapparu au 21e siècle et qui semble des plus attrayants pour les enfants du millénaire15. Comme toutes les autres façons de penser, l’ouverture d’esprit devrait être critiquée. La plupart des individus s’accordent qu’avant de se former une opinion, il convient d’étudier les différentes contributions à l’idée. La forme actuelle de l’ouverture d’esprit qui domine aujourd’hui affirme que le rationalisme et les moyens scientifiques de connaître sont supérieurs à la croyance dans le surnaturel, et rejette la Bible chrétienne en tant que source de la vérité. En fait, actuellement, l’esprit est conditionné par certaines stratégies pédagogiques à n’accepter que des connaissances fondées sur des preuves et à rester constamment ouvert à de nouvelles idées, à rester à jamais dans le mode chercheur.

Parmi les nombreux leaders du mouvement de la pensée critique, la The Foundation for Critical Thinking est bien connue pour sa position de rejet à l’égard de la religion.  Cette fondation considère la religion comme antagoniste envers la pensée critique – jugeant les enseignements bibliques dogmatiques et limitant ou bloquant la pensée critique. Cependant, les chrétiens qui considèrent la Bible comme la Vérité, la Parole de Dieu, reçoivent aussi le conseil de pratiquer l’ouverture d’esprit – une ouverture d’esprit qui est ouverte et guidée par la révélation divine.  Dans Messages à la jeunesse, Ellen White insiste : « En abordant l’étude de la Parole, mettez de côté vos idées préconçues. Vous n’atteindrez jamais la vérité en étudiant les Écritures pour défendre vos idées personnelles. Laissez-les de côté et écoutez, le cœur contrit, ce que le Seigneur va vous dire. La Parole donne de l’intelligence à l’humble chercheur qui s’assied aux pieds du Christ pour recevoir de lui la vérité. À ceux qui se croient trop sages pour étudier la Bible, le Christ dit: Si vous désirez devenir sages à salut, devenez doux et humbles de cœur16. » Et alors que cette déclaration traite principalement de la mauvaise interprétation de la Bible, elle est applicable au niveau d’ouverture d’esprit exigée des penseurs critiques. Cette approche suggère l’ouverture d’esprit comme un type d’humilité nécessaire pour persévérer et trouver de nouvelles solutions à des problèmes persistants tels que le développement de vaccins pour de nouvelles infections virales (telles que la COVID-19), ou d’autres maladies comme le cancer ou le simple rhume.

Les chrétiens sont encouragés à se conformer à l’autorité de la Parole : « Ne lisez pas la Parole à la lumière de vos anciennes opinions; mais sondez-la soigneusement, avec prière, l’esprit libre de tout préjugé. Si, au cours de vos lectures, une conviction se produit en vous; si vous voyez que vos opinions ne s’harmonisent pas avec la Parole, ne cherchez pas à mettre la Parole en accord avec vos opinions. Accordez plutôt vos opinions avec la Parole. Ne vous laissez pas influencer par vos croyances et vos habitudes. Ouvrez les yeux de votre esprit pour contempler les merveilles de la loi. Trouvez ce qui est écrit et établissez vos pieds sur le Rocher éternel17. » Et à partir de cette position, passez à la compréhension des problèmes abordés, en laissant le fondement de l'Écriture guider votre réflexion sur la réflexion.

La conclusion est encouragée, une conclusion qui vient de la confiance dans la Parole comme Vérité lorsque l'Écriture parle de la question. Les chrétiens sont appelés à être attentifs, à être des penseurs en permanence – à être des penseurs et non pas des réflecteurs des pensées des autres18. Un tel appel signifie que les chrétiens, et particulièrement les éducateurs chrétiens, doivent veiller à prendre soin de s'engager attentivement dans ce qui occupe les yeux, les oreilles et l’esprit. Les sens sont toujours sollicités – et parfois agressés – et cela souvent sans que les gens aient décidés d’écarter ou d’accepter dans leur psyché des choses qu'ils souhaitent influencer ce qu'ils sont et ce qu'ils deviendront. 

De plus, quand on aborde un problème, il est utile pour le processus de découverte de reconnaître qu’une conclusion puisse être prématurée. Que ce soit dans le laboratoire ou sur le terrain, l’ouverture d’esprit permet au chercheur de demeurer dans la position de l’apprenant même quand une méthode ou une triangulation des méthodes suggère la sécurité dans le constat.

Je postule que la pensée critique est à désirer pour le chrétien et maintenant plus que jamais. Je postule que l’appel à l’ouverture d’esprit n’est pas juste un appel intellectuel mais que c’est l’appel du croyant. Cependant pour l’intellectuel chrétien, l’ouverture d’esprit doit être subordonnée à l’analyse critique de manière à ce qu’elle repose sur les vérités fondamentales de la Bible et qu’elle soit éclipsée par l’appel biblique à l’obéissance, l’amour, la justice et la miséricorde. L’esprit du chrétien n’est jamais abandonné à ses cheminements à durée indéterminée. La Bible appelle le chrétien à penser et devenir. Je m’explique.

Les universitaires, par nature, sont intégrationnistes, et les universitaires chrétiens ne sont pas différents. Tout d’abord, ce sont des croyants dans la vérité – l’essence—de la Bible. Avec la Bible comme fondement et avec l’orientation d’un croyant, les universitaires examinent le monde qui les entoure à partir de la perspective biblique.  Ils remettent en question même l’inoffensif, le simpliste, et peut-être même les choses simples de leur monde. L’universitaire chrétien voit les événements d’actualité et il demande : « Quel sens ma foi biblique donne-t-elle à cette question afin que je comprenne mieux comment Dieu veut que je pense et réagisse ? »

Fondements bibliques de l’apprentissage

C’est quand la Vérité avec une majuscule est le fondement des vérités que les fondements de la foi sont intégrés à la vie.  Alors qu’ils poursuivent une  réflexion sur la réflexion (pensée critique), les éducateurs adventistes doivent comprendre que ce ne sont pas seulement les éléments de la pensée qui sont encouragés mais aussi l’orientation philosophique vers la pensée et la conduite. Particulièrement en Occident, l’humanisme, le rationalisme, la méthode scientifique et leurs approches inhérentes à la construction de la connaissance font partie des philosophies dominantes qui, dès le début du 20e siècle, ont influencé la pensée et l’action. Le processus d’éducation, du savoir et de l’être, a des approches et des principes fondamentaux de la pensée critique.

Par exemple, The Foundation for Critical Thinking19 s’oppose à ce que la Bible soit le fondement de la pensée d’une personne.  Les éléments de la pensée épousés par Richard Paul et Linda Elder, membres fondateurs de la Foundation for Critical Thinking, peuvent aider le penseur à approfondir et élargir sa perspective ; le problème est le rejet de la Bible en tant que Vérité, rejet qui rend le modèle global inapproprié pour le développement de l’esprit et du cœur du chrétien. La vie a sa source en Dieu et la Bible est la Parole de Dieu révélée. La Parole est la Vérité et elle documente le projet divin de rédemption, de salut et de restauration. Le chrétien20 n’est pas le simple reflet des pensées d’autrui ; le chrétien devrait penser au-delà de toutes les pensées qui peuvent être pensées21. Et cette plus haute réflexion est, en fait, l’idéal de Dieu  pour son peuple : « c’est l’amour de Dieu – la ressemblance avec Dieu »22.

Les parents doivent être les premiers enseignants de leurs enfants et développer la rigueur mentale en cultivant « les forces mentales et intellectuelles »23. Pourtant, l’école plutôt que les parents est devenue la forme dominante du caractère par son approche intentionnelle d’enseigner les approches séculières de la pensée critique. Nous devons donc faire attention à ce que les écoles adventistes enseignent comme étant la vérité, et l’influence possible de ces enseignements sur la foi de l’étudiant dans la Parole de Dieu.

Enseignement, apprentissage et foi

Des études récentes24 révèlent que quand les élèves qui ont épousé une foi chrétienne vont au collège, bien qu’ils puissent perdre la foi, s’ils restent connectés à leur communauté de foi alors qu’ils fréquentent un collège séculier, finiront par la retrouver. Les étudiants qui entrent au collège sans avoir la foi n'acquièrent pas la foi alors qu’ils étudient dans un environnement séculier. Certes, applaudissons le premier groupe qui retrouve un peu foi.  Très inquiétant est le fait que pour une importante période alors qu’ils sont dans un collège séculier, ils perdent leur foi personnelle. Lors de la remise des diplômes, leur foi n’a pas grandi, certains ont seulement retrouver un peu de foi, et les autres l’ont complètement perdu. Le mûrissement de la foi que de nombreux étudiants connaissent vers la fin de l’adolescence – les années de formation de l’adulte –peut être perdu au collège. Ce triste résultat est le résultat de la sécularisation de la connaissance, l’accent mis sur la méthode scientifique en tant que fondement de la vérité, et un préjugé anti-Dieu et anti-Bible dominant dans une bonne partie de l’éducation séculière.

Le but du questionnement est d'inciter à poursuivre la recherche, et non pas à l’arrêter ; le questionnement facilite la découverte. Le penseur critique chrétien cherche à savoir ; « Demandez, et l’on vous donnera; cherchez, et vous trouverez ; frappez, et l’on vous ouvrira » (Matthieu 7.7)25.  Le désir de savoir, sous-tendu par une étude approfondie, la prière et la réflexion, mènera l’universitaire chrétien à une relation plus profonde avec Dieu. « Nous sommes appelés à rétablir une éducation centrée sur Christ »26. Tout d’abord, ce rétablissement amènera les étudiants à une relation avec Jésus-Christ ; puis, il introduira efficacement une vision du monde distinctement adventiste du septième jour conçue pour fournir des fondements bibliques à des prises de décision morales et éthiques27.

Une illustration tirée de l’université Oakwood

L’ensemble des écoles adventistes du septième jour – maternelle à l’université – a une opportunité de gérence. En joignant ses forces à celles de l’Église et du foyer, l’école peut intentionnellement offrir une éducation fondée sur la Bible qui forme des individus qui ont une foi solide. Leslie Pollard, président de l’université Oakwood, est connu pour lancer à l’occasion ce commentaire : l’éducation adventiste prépare les étudiants « non pas pour quatre années seulement mais pour 40 ans, et finalement pour toujours ». Oui, les années de maturation et de préparation à la carrière sont importantes, mais plus importantes encore sont les années où les étudiants appliquent l’éducation transformatrice reçue pendant leur séjour sur les campus collégiaux ou universitaires adventistes, soit les années postscolaires et menant à l’éternité.

Après tout, l’objectif de l’éducation et celui de la rédemption sont un : sauver des âmes perdues. L’appel du clairon est pour une approche biblique de la pensée critique. Et la prudence est de mise. On ne peut pas supposer que le simple fait d'être une école adventiste garantisse le développement de la foi. Les questions suivantes peuvent aider à stimuler une réflexion sur le développement de la foi. Par exemple :

  • La mission de l’école est-elle explicitement adventiste du septième jour et biblique dans les résultats qu’elle souhaite ?
  • Le but de l’école et du programme d’études est-il de discipuler et transformer les élèves ansi que de fortifier la foi dans le message adventiste ?
  • Comment l’école rend-elle compte aux parents, aux élèves et aux constituants de la réalisation de sa mission et de ses objectifs ?

C’est avec cette orientation missionnale que l’université Oakwood a étudié les modèles séculiers28 et développé ce que l’administration, le corps professoral et le personnel croient être un modèle biblique compréhensif (voir Figure 3) de pensée critique, d’analyse et de résolution de problème (TAPS : Thinking Analysing Problem Solving). Le fondement de ce modèle est axé sur la Parole de Dieu, la logique de soutien est enracinée dans la Parole, et le processus pour arriver à une compréhension élargie et à une synthèse est aussi ancré dans la vérité biblique.

Pendant l'Institut d'été annuel de développement de la faculté de l’université sur « les fondements bibliques dans les disciplines », les principaux professeurs sont formés pour examiner les fondements philosophiques des disciplines respectives dans lesquelles ils enseignent, font de la recherche et servent. Les professeurs sont invités par les facilitateurs de l’Institut à comparer la vision du monde biblique et ses présuppositions, hypothèses et enseignements avec les fondements séculiers sur lesquels leurs disciplines reposent souvent. Ce processus de déconstruction biblique de la connaissance qui sous-tend les disciplines et la reconstruction qui l’accompagne est libérateur pour les professeurs.

L’utilisation du modèle TAPS aide les professeurs à intégrer leurs carrières sécularisées et leurs vies spirituelles. Les professeurs retournent à leurs départements universitaires et travaillent avec le doyen pour former leurs pairs sur la façon de réfléchir bibliquement aux disciplines hébergées dans leurs départements. Cela se fait dans le contexte de la foi adventiste du septième jour. Le fondement biblique étant établi, les professeurs apprennent à communiquer l’intégration de leur foi avec la discipline universitaire au moyen de modélisation et d’instruction (voir Encadré 1). 

Le modèle de pensée critique de l’université Oakwood provient de la croyance et de la compréhension que la vérité doit être enracinée dans la Vérité, écrite et incarnée. Le modèle est centré sur Christ et basé sur le principe que « si l’on y réfléchit profondément, on comprend qu’éducation et rédemption sont une seule et même chose, car pour l’une comme pour l’autre, "personne ne peut poser un autre fondement que celui qui a été posé, savoir Jésus-Christ" »29. Jésus-Christ était et est fait chair, et était et est l’ultime révélation de Dieu – celui qui pointe vers Dieu en tant que Créateur, Sauveur, et Seigneur. Dans son livre Our High Calling, Ellen White a écrit : « Christ, son caractère et son œuvre, est le centre et la circonférence de toute vérité. [Et parce qu]’il est la chaîne sur laquelle les joyaux de la doctrine sont liés, en lui se trouve le système complet de la vérité »30.

Le modèle de l’université Oakwod (Figure 3) présente Christ comme le centre et la circonférence du processus de réflexion31. Pendant l’orientation des professeurs, le président Pollard fournit une orientation théologique et déclare que les éducateurs adventistes doivent répondre au défi centenaire lancé par Ellen White décrit dans un test d’une question pour l’enseignement supérieur : «[L’éducation supérieure] nous permet-elle de garder nos esprits fixés sur la marque du prix de la haute vocation de Dieu dans le Christ-Jésus32 ?»

Conclusion

Peu importe le contexte, notre perspective individuelle est limitée. Sans la direction du Saint Esprit dans toute la vérité, la façon dont les éducateurs chrétiens réfléchissent à l’Écriture et la vie, est limitée33.  L’approche chrétienne est de demander tout d’abord « Que dit la Parole à ce
sujet ? ». Ensuite, il faut réfléchir de manière sérieuse à partir de différents points de vue tout en gardant une soumission intellectuelle à la Vérité divine.  Cette réflexion sérieuse devrait être accompagnée d’une étude approfondie et de discussions et consultations avec les pairs et les collègues dans un esprit de prière. Si l’éducation supérieure ne commence pas et ne finit pas avec un fondement « avant tout Dieu », elle sera incapable de fortifier la foi en Dieu. Les écoles adventistes doivent maintenir Dieu au centre et à la circonférence de la réflexion et produire des diplômés qui non seulement demeurent de fidèles croyants, mais aussi qui deviennent des croyants. Les éducateurs adventistes à tous les niveaux de scolarité doivent encourager les adultes à remettre en question l’orientation missonnale de l’école et du programme d’études avant de s’inscrire dans un cours car il y a des vérités qui sont éternelles. Chaque expérience d'apprentissage devrait engager les étudiants dans le processus d'intégration, en découvrant de nouvelles connaissances et en comparant ces nouvelles connaissances à celles déjà acceptées en essayant d'assembler les deux pour former un tout cohérent. Cohésion et cohérence sont les clés de l'intégration de la foi. Les fondements bibliques et historiques doivent être établis avant que les concepts puissent être rassemblés avec cohérence. Cela nécessite une réorganisation conceptuelle, mais garantit que la Bible est à la base de l'apprentissage. Ainsi, la Bible devrait figurer à tous les niveaux de l'éducation adventiste du septième jour.


Cet article a été revu par des pairs.

Prudence LaBeach Pollard

Prudence LaBeach Pollard, Ph.D., MPH, RD, SPHR, est vice-présidente chargée de la qualité, de la recherche et du développement du corps enseignant de la faculté et est professeur titulaire de gestion à l'école de commerce de l'université Oakwood (OU) à Huntsville, Alabama, États-Unis. Pendant cinq ans, elle a dirigé une initiative de réflexion critique et, en 2016, elle a fondé l'Institut d'été annuel de développement de la faculté de l'université Oakwood afin d'explorer des approches de la réflexion, et l'impact de la pensée séculaire sur l'enseignement supérieur.

Référence recommandée :

Prudence LaBeach Pollard, Le chrétien, la pensée critique, et la Bible, Revue de l’éducation adventiste,

NOTES ET RÉFÉRENCES

  1. Abrams et d'autres notent que les comportements de construction de l'identité se développent à travers des jugements d'autorégulation. Voir Dominic Abrams et Michael A. Hogg, “Group Processes and Intergroup Relations Ten Years On: Development, Impact and Future Directions,” Group Processes and Intergroup Relations 11:4 (octobre 2008): 419-425; et Adam Rutland et Dominic Abrams, “The Development of Subjective Group Dynamics.” Dans Sheri R. Levy et Melanie Killen, éds., Intergroup Attitudes and Relations in Childhood Through Adulthood (Oxford, England: Oxford University Press, 2008), 47-65.
  2. John E. McPeck, Critical Thinking and Education (New York: St. Martin’s Press, 1981), 7.
  3. Ellen G. White, Education (Mountain View, Calif.: Pacific Press, 1903), 18.
  4. Bertrand Russell, Why I Am Not a Christian and Other Essays on Religion and Related Subjects (New York: Simon & Schuster, 1957).
  5. Abrams, Hogg, et Rutland définissent la pensée critique comme la capacité de s'engager dans un jugement utile, autorégulateur. 
  6. Both McMillan (1987) et Pascarella (1989) présentent la pensée critique comme la capacité d’interpréter l’information et d’aborder les problèmes correctement. Voir James H. McMillan, “Enhancing College Students' Critical Thinking: A Review of Studies,” Research in Higher Education 26:1 (1987): 3-29; et Ernest T. Pascarella, “The Development of Critical Thinking: Does College Make a Difference?” Journal of College Student Development 30:1 (janvier 1989): 19-26.
  7. Voir John E. McPeck, “Stalking Beasts, but Swatting Flies: The Teaching of Critical Thinking,” Canadian Journal of Education 9:1 (hiver 1984): 28-44; and __________, “Critical Thinking and Subject Specificity: A Reply to Ennis,” Educational Researcher 19:4 (mai 1990): 10-12.
  8. Christopher R. Huber et Nathan R. Kuncel, “Does College Teach Critical Thinking? A Meta-Analysis,” Review of Educational Research 86:2 (juin 2016): 431-468.
  9. Lisa Tsui, “A Review of Research on Critical Thinking” (1998): https://files.eric.ed.gov/fulltext/ED427572.pdf. Document présenté lors de la 23e réunion annuelle de l'Association for the Study of Higher Education, Miami, Floride, 5-8 novembre 1998. Tsui a examiné les recherches d'un total de 62 études mesurant la croissance de la pensée critique. Les résultats ont montré des gains dans les compétences de pensée critique et d'ordre supérieur pendant les années de collège. Voir aussi James H. McMillan, “Enhancing College Students’ Critical Thinking: A Review of Studies,” Research in Higher Education 26:1 (1987): 3-29.
  10. Le mouvement en faveur de l'estime de soi dans les écoles américaines au cours des années 1980 et 1990 a émergé du travail de John Vasconcellos, un sénateur californien, et du groupe de travail californien pour promouvoir l'estime de soi et la responsabilité sociale personnelle. Voir “Toward a State of Esteem. The Final Report of the California Task Force to Promote Self-Esteem and Personal and Social Responsibility” (janvier 1990): https://files.eric.ed.gov/fulltext/ED321170.pdf. Certains chercheurs en éducation l'ont comparé au mouvement actuel d'apprentissage social et émotionnel (SEL). Voir le travail de Chester E. Finn, “The Social-Emotional-Learning Movement and the Self-esteem Movement,” Education Next (juillet 2017): https://www.educationnext.org/social-emotional-lea... .
  11. L'impact de la pensée critique dans l'enseignement supérieur continue d'être mis en avant dans le monde entier. Voir, par exemple,  Elizabeth Tofaris, Tristan McCowan, et Rebecca Schendel, “Reforming Higher Education Teaching Practices in Africa.” Un document de série publié par le ESRC-DFID Research Impact, Cambridge, U.K.: REAL Centre, University of Cambridge et The Impact Initiative (March 2020): https://opendocs.ids.ac.uk/opendocs/handle/20.500.12413/15197; Shoko Yoneyama, “Critiquing Critical Thinking: Asia’s Contribution Towards Sociological Conceptualization,” dans Bridging Transcultural Divides: Asian Languages and Cultures in Global Higher Education, Xianlin Song and Kate Cadman, éds. (Adelaide, Australia: University of Adelaide Press, 2012), 231-250; Caroline Dominguez et Rita Payan-Carreira, éds., Promoting Critical Thinking in European Higher Education Institutions: Towards an Educational Protocol (Vila Real, Portugal: Universidade de Trás-os-Montes e Alto Douro, 2019).
  12. Le thème le plus fréquent des plans d'amélioration de la qualité (QEP) dans la région d'accréditation de la Southern Association Commission des collèges de la Southern Association of Colleges and Schools (SACSCOC) est la pensée critique. Voir https://sacscoc.org/ .
  13. La National Association of Colleges and Employers (NACE) définit la préparation à la carrière comme l'atteinte et la démonstration des compétences requises qui préparent largement les diplômés de l'enseignement supérieur à une transition réussie vers le marché du travail. Ces compétences de réflexion critique/résolution de problèmes aident l'individu à « faire preuve d'un raisonnement sain pour analyser les questions, prendre des décisions et résoudre des problèmes. L'individu est capable d'obtenir, d'interpréter et d'utiliser des connaissances, des faits et des données dans ce processus, et peut faire preuve d'originalité et d'inventivité» : http://www.naceweb.org/career-readiness/competenci....
  14. Martha L. A. Stassen, et coll. discute de l'impact des disciplines académiques sur les définitions de la pensée critique. Voir Judith E. Miller et James E. Groccia, éds., To Improve the Academy: Resources for Faculty, Instructional, and Organizational Development (Hoboken, N.J.: Wiley, 2011), 127.
  15. Pew Research Center, “Millennials: Confident. Connected. Open to Change” (février 2010): https://www.pewresearch.org/social-trends/2010/02/....
  16. Ellen G. White, Messages to Young People (Washington, D.C..: Review and Herald, 1930), 260.
  17. Ibid.
  18. Ellen G. White, Education, 11.
  19. Richard Paul et Linda Elder, The Thinker’s Guide to Understanding theFoundations of Ethical Reasoning: Based on Critical Thinking Concepts and Tools (Tomales, Calif.: The Foundation for Critical Thinking, 2006). Voir aussi http://www.criticalthinking.org.
  20. Ellen G. White, Christian Education (Battle Creek, Mich.: International Tract Society, 1894), 58.
  21. __________, Fundamentals of Christian Education (Nashville, Tenn.: Southern Publishing Assn., 1923), 374, 375.
  22. __________, Education, 16-18.
  23. __________, The Adventist Home (Washington, D.C.: Review and Herald, 1952), 414.
  24. Les résultats de l'étude de l'Institut de recherche sur l'enseignement supérieur (HERI) sur la spiritualité des étudiants peuvent être consultés à l'adresse suivante : http://spirituality.ucla.edu/.
  25. La Nouvelle Bible Segond, NBS, 2002.
  26. Leslie N. Pollard, “Restoration: The Mission of Adventist Higher Education,” Adventist Review (4 septembre 2016): 38: https://www.adventistreview.org/1609-36.
  27. Ibid., 39.
  28. Deril Wood et Jeannette Dulan, “Inquiry Teaching in Higher Education: A Critical-thinking Context,” The Journal of Adventist Education 78:3 (février/mars 2016): 45-51.: circle.adventist.org/files/jae/en/jae201678034507.pdf; dans L. M. Brown’s General Philosophy in Education (New York: McGraw-Hill, 1966), l’auteur a fait valoir que les outils de la pensée critique sont le sens, les arguments, les déductions, les implications, la connaissance, les théories/principes/lois, le point de vue, et l'évaluation. Dans Gerald Nosich’s Learning to Think Things Through: A Critical Guide to Thinking Across the Curriculum (New York: Pearson, 2012), 11 éléments pour critiquer sa propre discipline sont identifiés : objectif, question en jeu, contexte, information, hypothèse, conclusion, implications et conséquences, point de vue, concepts, conclusions et interprétations et alternatives (96, 97).
  29. White, Education, 30.
  30. __________, Our High Calling (Washington, D.C.: Review and Herald, 1961), 16.
  31. Dans Our High Calling, Ellen G. White a écrit : «Christ, son caractère et son œuvre, est le centre et la circonférence de toute vérité. Il est la chaîne sur laquelle les joyaux de la doctrine sont liés. En lui se trouve le système complet de la vérité » (16).
  32. Dans son discours à la session de la Conférence générale de 1909, Ellen G. White a mis au défi toute l'éducation adventiste - y compris l'enseignement supérieur - avec un test d’une seule question : «Est-ce qu’elle nous prépare à garder nos esprits fixés sur la marque du prix de la haute vocation de Dieu dans le Christ Jésus?» (“A Lesson in Health Reform,” Advent Review and Sabbath Herald 87:6 (19 février 1910): 7.
  33. Voir Jean 1.17; 16.13.