Susan L. Lloyd • Holly Gadd • Shirley Tohm Bristol • Patricia S. Jones

ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ADVENTISTE EN SCIENCES INFIRMIÈRES :

UNE ENTREVUE

Dr Jones : Ma première question s’adresse à vous toutes et porte sur la demande actuelle pour des études supérieures en sciences infirmières. Comment décririez-vous cette demande ?

Dr Loyd : Nous constatons, dans le département des études supérieures de l’université de Loma Linda (Californie, États-Unis), une demande accrue pour des programmes de pratique infirmière avancée (APRN). De nombreux étudiants sont intéressés par les responsabilités que le doctorat en pratique infirmière (DNP) permet d’assumer. La plupart de ces étudiants sont des infirmiers sur le marché du travail désirant passer un doctorat qui validerait et donnerait de la crédibilité à ce qu’ils font dans leur pratique depuis plusieurs années, et qui leur ouvrirait de nouvelles opportunités professionnelles.

Dr Gadd : La demande est également forte sur la côte Est où je demeure. En nous basant sur les recherches et l’information épidémiologique sur le vieillissement en Amérique, le besoin accru de soins de santé et l’insuffisance du système médical d’y répondre, nous savons qu’il y a une demande nationale pour des infirmières praticiennes. Nous faisons aussi face à une perte d’infirmières due au vieillissement de la main-d’œuvre. Les possibilités pour les infirmières de pratique avancée sont donc énormes. Comme déjà mentionné, de nombreuses infirmières expérimentées dans leur rôle d’infirmière sont impatientes d’aller de l’avant professionnellement afin d’offrir des services de soins primaires dans des contextes différents de ceux auxquels elles sont habituées. Les soins de santé sont de plus en plus transférés au secteur communautaire, ce qui permet aux infirmières de pratique avancée de remplir certains de ces besoins. La demande est réelle, et beaucoup de gens s’inscrivent pour retourner à l’école.

Dr Bristol : Je voudrais aussi mentionner qu’en milieu hospitalier le coût des soins – avec des critères de qualité plus élevés – et les modifications dans la façon dont les établissements de soins sont financés, posent de sérieux problèmes. Il est important d’avoir dans le système de santé des infirmières de pratique avancée capables d’obtenir ou maintenir des critères professionnels et d’accréditation – tels que ceux de l’évaluation Magnet de l’American Nurses Credentialing Center (ANCC) – mais qui sont aussi capables de diriger le genre de programmes nécessaires pour démontrer la qualité des résultats pour les patients, et de prendre l’initiative de travailler au sein même de l’organisation afin de réaliser ces objectifs. Dans le contexte actuel, même la viabilité de l’organisation est en jeu car le remboursement des soins repose sur la qualité des résultats pour les patients.

Dr Gadd : Je crois qu’il est extrêmement important d’avoir ces prestataires de soins de santé d’une grande compétence parce que les études ont démontré depuis 15 ou 20 ans que les taux de survie des patients hospitalisés sont meilleurs quand les infirmières ont des niveaux supérieurs de formation. Cela se manifeste au niveau du premier cycle universitaire quand on compare des infirmières préparées par deux années d’étude ou une licence. Les résultats sont meilleurs pour les patients soignés par une infirmière titulaire d’une licence. Cela se vérifie aussi à des niveaux plus élevés de soins dispensés par des infirmières titulaire d’un master ou d’un doctorat. Dans divers contextes, dont ceux de soins de courte durée, un enseignement supérieur en sciences infirmières est très important, et cela change vraiment les choses.

Dr Jones : Vos remarques jusqu’ici en donnent la preuve. Que diriez-vous quant au besoin accru d’enseignants qualifiés ?

Dr Gadd : À l’université adventiste Southern (Southern Adventist University, Collegedale, Tennessee), nous avons un programme de contrôle de l’enseignement des sciences infirmières, mais malheureusement il compte un nombre très faible d’inscriptions.

Dr Lloyd : Le défi que nous avons à relever à l’université de Loma Linda (LLU), et partout dans le pays, est le départ à la retraite de nombreux enseignants en sciences infirmières d’ici les dix prochaines années. Nous travaillons actuellement à la formation de nos propres professeurs pour qu’ils soient prêts à poursuivre le travail.

Dr Bristoll : Suite à ce que j’ai mentionné plus haut, il faut reconnaître que de nombreux diplômés de nos programmes de master et de doctorat choisissent des emplois dans les domaines cliniques à cause d’incitatifs financiers et autres. Les institutions d’enseignement ont également besoin de recruter quelques-uns de ces individus hautement qualifiés afin de conserver le niveau pédagogique qui produit des praticiens compétents. À tous les niveaux de l’enseignement des sciences infirmières – du premier cycle universitaire aux programmes d’études doctorales – nous avons besoin d’excellents professeurs. En tant qu’éducatrices, à présent, nous permettons aux professeurs des programmes de pratique infirmière avancée (APRN) de prendre congé de leur charge de travail pédagogique afin de leur permettre de maintenir leurs compétences pratiques d’infirmières. Cette collaboration entre le service et l’enseignement améliorera continuellement les voies de communication et augmentera les occasions éducatives tant pour les étudiantes que les infirmières.

Dr Lloyd : Bon nombre de nos étudiantes qui entrent dans la formation de niveau du master en enseignement des infirmières formatrices passent plus tard à la spécialisation d'infirmières cliniciennes spécialisées en raison de l'importance de la formation dans le rôle du SNC. De plus, les étudiants du SNC sont en mesure de recevoir une certification nationale et d'État de pratique avancée, ce qui leur permet d'élargir leur rôle et de multiplier les occasions cliniques et éducatives. L'une ou l'autre formation peuvent mener à un poste de professeur.

Dr Jones : Oui.

Dr Gadd : Il est bien connu qu’il existe une insuffisance de professeurs de sciences infirmières. Beaucoup d’institutions pour la santé peinent à trouver des professeurs qualifiés et ont un certain nombre de postes vacants. Ce problème touche la totalité du domaine de la pratique infirmière car moins d’enseignants signifient moins d’étudiants acceptés et moins de diplômés. Nous avons besoin de professeurs ayant un doctorat afin de préparer les infirmières enseignantes à enseigner, et ces professeurs sont en nombre insuffisant. Comme vous l’avez mentionné, les mises à la retraite ajoutées à d’autres facteurs comme les écarts dans les salaires et les traitements, posent un très grand défi. Les infirmières qui terminent avec un diplôme d’associée, souvent, peuvent gagner autant que moi qui ai un doctorat. Mais je n’ai jamais manqué de pain, et faire ce que Dieu nous appelle à faire comporte une bénédiction particulière, dont celle d’enseigner dans le système adventiste. Ainsi quand je parle avec des infirmières qui pensent à se préparer pour la profession d’enseignante, j’insiste sur la notion de mission et de responsabilité par rapport aux talents que Dieu nous a donnés. L’argent n’est pas la seule forme de récompense.

Dr Bristol : Tous les étudiants qui ont achevé le programme de pratique infirmière avancée n’ont pas nécessairement la connaissance et les compétences pour devenir immédiatement un enseignant qualifié. Il s’agit, en fait, d’une toute nouvelle courbe d’apprentissage. L’identification précoce chez un étudiant de l’intérêt qu’il porte à une carrière d’enseignant pourrait conduire à un solide mentorat et à une relation de soutien en vue d’en faire un professeur qualifié.

Dr Gadd : Tout à fait d’accord ! À Loma Linda, j’ai reçu une formation d’infirmière formatrice. J’ai particulièrement apprécié les cours sur le développement des programmes, les modalités d’enseignement en classe et clinique, les tests, les mesures et l’évaluation – et comment faire tout cela correctement. Il y a une science de l’enseignement.

Dr Lloyd : Ce n’est pas parce que l’on peut faire quelque chose que l’on a la compétence pour l’enseigner. C’est rarement le cas.

Dr Gadd : Tout à fait juste ! Permettez-moi un exemple plus large encore. C’est après avoir été, pendant des années, comptable et vérificateur que mon mari a commencé à enseigner la comptabilité. Il a souvent alors exprimé son regret de ne pas avoir suivi des cours comme je l’avais fait dans mon programme de master, cours qui m’avaient appris à enseigner et m’épargnaient le souci d’avoir à deviner comment faire. L’enseignement n’est pas nécessairement une chose que l’on fait naturellement. Ainsi, ces programmes d’infirmières formatrices de troisième cycle sont réellement importants.

Dr Jones : Merci. Avez-vous des commentaires additionnels concernant les opportunités pour les diplômés en pratique avancée des soins infirmiers ?

Dr Bristol : Les programmes nationalement reconnus de pratique avancée comprennent ceux d’infirmier spécialiste clinique (Clinical Nurse Specialist- CNS) ; d’infirmier praticien (Nurse Practitioner—NP) ; d’infirmier en anesthésie (Nurse Anesthetist – CRNA) ; et d’infirmière sage-femme (Nurse Midwife – NM). À Loma Linda, nous offrons la formation CNS qui comprend les spécialités en gérontologie ou en pédiatrie. La formation d’infirmière praticienne offre les spécialités suivantes : infirmière praticienne familiale ; infirmière praticienne gérontologique ; infirmière praticienne psychiatrique ; et infirmière praticienne pédiatrique. Nous offrons également, une formation d’infirmière en anesthésie. Il y a aussi les formations d’infirmière praticienne en unité néonatale et d’infirmière sage-femme qui, bien que n’étant pas offertes à Loma Linda, le sont à l’échelle nationale.

Dr Jones : Il y a aussi les soins intensifs, n’est-ce pas ?

Dr Lloyd : Oui, quelques écoles nationales offrent également la spécialité d’infirmier praticien en soins intensifs (Acute Care Nurse Practitioner – ACNP).

Dr Gadd : Voilà les quatre principaux rôles de pratique infirmière avancée relevés dans les directives nationales. À l’intérieur de ces rôles, l’infirmier praticien – et jusqu’à un certain point l’infirmier spécialiste clinique (CNS) – se tourne vers des rôles de premiers soins et de soins intensifs, et ensuite dans d’autres domaines de spécialités en relation avec la durée de vie – néonatalité, pédiatrie, santé de l’adulte, gériatrie ; avec le genre  -- santé des femmes ; ou encore la cardiologie, la dermatologie et l’orthopédie.

Dr Bristol : Nous suggérons fortement que les diplômés de pratique infirmière avancée obtiennent la certification locale et nationale dans tous ces domaines. En fait, les diplômés en pratique infirmière avancée sont considérés comme titulaires d’un diplôme de généraliste. On s’attend à ce qu’ils poursuivent une spécialité plus poussée au sein de leur spécialité initiale, et cela particulièrement pour les infirmiers spécialistes cliniques (CNS). Cette tendance va certainement se maintenir.

Dr Gadd : La spécialisation a ses pour et ses contre. Les infirmiers praticiens ont excellé alors qu’ils commençaient à combler les trous laissés dans le système médical par la spécialisation des médecins. En effet, les médecins remplissent de moins en moins les rôles de médecin généraliste et de famille. Les infirmiers praticiens qui exercent une bonne partie de ces rôles de soins primaires répondent à un très important besoin de soins de santé national. Il risque de ne pas être avantageux pour les infirmiers praticiens de s’efforcer d’obtenir une spécialité, ceci pouvant à nouveau laisser un vide au niveau des services de soins primaires.

Dr Lloyd : Actuellement, à l’échelle nationale, la plus forte demande chez les étudiants est le rôle d’infirmier praticien en médecine familiale (Family Nurse Practitioner – FNP). À l’université de Loma Linda, les formations FNP et CRNA (infirmier anesthésiste) sont les plus fortes dans programme de master.

Dr Gadd : À l’université Southern, nous voyons la même tendance. J’avancerais que 90 % des nos élèves au niveau du master sont inscrits au programme d’infirmier praticien en médecine de famille. Vient ensuite une forte demande pour le rôle d’infirmière praticienne aux soins aigus, et donc en santé de l’adulte et en gérontologie. Beaucoup d’étudiants aiment ce domaine car ils ont déjà travaillé dans des établissements hospitaliers prodiguant des soins primaires et aigus, et s’y sentent plus à l’aise. Le rôle de l’infirmier praticien aux soins aigus se multiplie dans tout le pays. Est aussi en forte demande l’infirmier praticien psychiatrique et en santé mentale. Les ouvertures pour ce type de poste sont nombreuses. Il s’agit d’une orientation très spécialisée qui attire les étudiants avec de l’expérience dans ce domaine mais qui demande un rôle plus large dans les soins aux patients ayant des problèmes de santé mentale.

Dr Jones : Bien. Avez-vous alors un programme pour les infirmiers praticiens psychiatriques et en santé mentale ( Psychiatric-Mental Health Nurse Practitioner- PMHNP) ?

Dr Gadd : Oui. Les programmes de master de l’université Southern offrent l’option PMHNP. Nous l’avons ajoutée il y a quelques années, et nous venons tout juste d’avoir nos premières diplômées. Que ce soit partout aux États-Unis, dans le Tennessee, ou localement, il y a de terribles vides au niveau des soins en santé mentale. Il n’y a pas d’autres programmes dans notre région immédiate qui répondent à ces besoins. Jusqu’à présent, l’intérêt et les inscriptions ne diminuent pas, et c’est bien.

Dr Jones : Pour ces fonctions de pratique avancée, quel est le niveau d’enseignement recherché ? Est-ce au niveau du master, ou les étudiants s’attendent-ils de plus en plus à une préparation doctorale en pratique infirmière ?

Dr Gadd : Je crois que nous sommes tous conscients qu’il y a eu une forte poussée pour qu’en 2015 le doctorat (DNP) soit le niveau d’entrée pour la pratique infirmière avancée. Cette date est passée mais le but demeure, et il est important. Il sera cependant difficile à atteindre car il faudra que les organismes d’accréditation, les organismes d’État de délivrance de permis et les universités soient tous sur la même longueur d’onde. C’est une énorme entreprise.

Dr Lloyd : Grâce à une initiative nationale, les principales organisations infirmières poursuivent la normalisation de la pratique infirmière avancée entre les régions.

Dr Bristol : Le DNP est en train de devenir un diplôme bien accepté. Nous avons observé une augmentation du nombre de programmes de DNP dans tout le pays au cours de ces dernières années. Il reste à voir quand cette date limite définitive pour le doctorat comme préalable pour la pratique avancée sera mise en place.

Dr Gadd : J’ai assisté à des réunions, et il semble que personne ne veut, pour le moment, fixer de date pour l’obligation d’un doctorat comme préalable pour la pratique avancée.

Dr Lloyd : Nous n’avons pas vu ça non plus.

Dr Bristol : Fait intéressant, les élèves de provenance diverse qui choisissent le programme du doctorat affirment leur besoin d’obtenir ce niveau d’étude pour accomplir leurs objectifs à long terme. La demande pour le master demeure, mais beaucoup plus visent le doctorat en pratique infirmière.

Dr Lloyd : Notre programme de master vise les formations d’infirmier éducateur ou d’administration des soins infirmiers. Les programmes de doctorat en pratique infirmière et autres doctorats sont conçus pour recevoir des étudiants post-licence et post-master. Vous trouverez toutes les informations nécessaires pour s’inscrire dans les diverses spécialités en consultant le site web de l’école.

Dr Jones : Par conséquent, est-ce le Board of Registered Nursing (BRN) de chaque État ou les associations professionnelles qui accordent la certification?

Dr Lloyd : Cela varie selon l’État, cela peut être le BRN ou l’association professionnelle. On encourage les élèves à obtenir les deux certifications, quand cela est possible.

Dr Bristol : Une certification nationale donne un avantage concurrentiel. En fait, très récemment, nos auditeurs pour l’accréditation voulaient s’assurer que les professeurs chargés de tous les cours cliniques étaient certifiés nationalement et étaient titulaires d’un doctorat.

Dr Lloyd : Notre programme universitaire offre des masters et des doctorats.

Dr Gadd : C’est ce qui est nécessaire pour débuter dans la profession. Nous avons, nous aussi, conservé le programme de master à l’université Southern car pour une certification ou une licence de pratique avancée il n’y a pas besoin d’un DNP. Le master consiste en un programme plus court qui intéresse beaucoup de nombreuses infirmières. Cela offre une bonne option pour ceux et celles qui ne projettent pas encore de faire un diplôme terminal.

Dr Jones : Est-ce que la certification nationale est faite par des organisations spécifiques ?

Dr Gadd : Il existe plusieurs organismes certificateurs. La certification nationale pour les infirmiers praticiens en médecine familiale (FNP) peut s’obtenir soit par l’American Association of Nurse Practioners soit par l’American Nurses Credentialing Center. Il y a d’autres organismes certificateurs pour d’autres spécialisations.

Dr Bristol : Les diverses formations sont associées à leurs organisations professionnelles qui sont à leur tour associées à une agence d’accréditation nationale. Pour nous, c’est la Commission on Collegiate Nursing Education (CCNE), la branche d’accréditation de l’American Association of Colleges of Nursing (AACN).

Dr Gadd : Les infirmières éducatrices doivent aussi passer un examen de certification.

Dr Bristol : Oui, les infirmières éducatrices peuvent être certifiées par la National League of Nursing (NLN).

Dr Jones : Parlons donc des différences entre un doctorat en pratique infirmière et une formation doctorale.

Dr Gadd : Nous avons débuté notre conversation en mentionnant la demande pour des infirmières de pratique avancée. Un bon nombre d’infirmières qui s’inscrivent à nos programmes d’études supérieures sont très orientées vers la pratique : elles veulent travailler directement avec les patients. Cela a été la raison à l’origine du doctorat de pratique avancée (DPN) : c’est un diplôme pour exercer la profession d’infirmière. Les programmes de DPN sont généralement plus courts que les programmes de doctorat et ont un objectif très différent. Le programme de DNP inclut la recherche parce qu’un bon clinicien a besoin d’interpréter et de démontrer les preuves qu’il rencontre les diverses lignes directrices de sa pratique. Cependant, le programme de formation doctorale est beaucoup plus orienté vers la recherche. Dans notre région, la demande pour un enseignement de DNP est plus forte parce que plus d’infirmiers s’orientent vers les milieux cliniques plutôt que vers la recherche.

Dr Lloyd : Oui, et le diplôme de doctorat (PhD) en soins infirmiers, qu’actuellement on néglige quelque peu, est indispensable pour la formation de nos infirmiers. Le développement et la mise en œuvre de recherches originales afin de contribuer à la connaissance des soins infirmiers sont nécessaires pour fournir des preuves que les diplômés de DNP peuvent traduire en pratique basée sur des données probantes (Evidence-based Practice – EBP) auprès du malade en vue de meilleurs résultats.

Dr Bristol : Voilà la raison pour laquelle il est tellement important qu’il y ait une collaboration entre les fonctions de la formation doctorale et celles du doctorat en pratique infirmière. Entre les connaissances qui existent, et ce qui est nécessaire pour que les cliniciens experts puissent améliorer la qualité des résultats pour les patients – dans la mise en place d’une pratique basée sur des données probantes – il y a un décalage. Il est essentiel que les deux fonctions collaborent en toute transparence dans ce processus.

Dr Lloyd : Pour le moment, il nous est plus difficile de recruter des élèves dans le programme de formation doctorale. Les étudiants ne sont pas sûrs de ce qu’ils vont faire ; le programme est plus long, plus cher, et plus difficile aussi. Jusqu’à présent, le programme ne se donne pas en ligne et il n’est pas hybride, mais il y a quelques programmes de ce genre. Nous débutons à LLU un programme de licence en sciences (BS) jusqu’au doctorat dès l’automne 2017 pour voir si un format hybride ou en ligne pourrait devenir plus compétitif, c’est-à-dire s’il pourrait attirer des étudiants dans les deux programmes et les inciter à continuer. Nous faisons de grands efforts dans ce sens, et nous y sommes presque. Nous espérons commencer avec quelques élèves et nous développer au fur et à mesure.

Dr Gadd : Nous avons les mêmes préoccupation. Nous avons parlé de nos difficultés pour inscrire des infirmiers éducateurs. Nous n’avons pas encore parlé des fonctions de pratique avancée en administration. Il y a aussi une pénurie d’infirmiers adventistes avec un master ou un doctorat pouvant remplir des postes de direction dans le système de soins de santé adventiste. La vocation infirmière, pour beaucoup, les amène à désirer travailler directement avec les patients. Ils ne désirent pas renoncer à cela pour épouser des fonctions d’éducateurs ou d’administrateurs. La formation pour remplir efficacement ces fonctions n’entre pas dans leur vision des choses. À Southern, cela soulève beaucoup de discussions. Comment attirer les étudiants vers ces fonctions au tout début de leur carrière ? Comment pouvons-nous reconnaître qu’ils ont des qualités de leadership et les diriger vers le leadership ou l’administration et les encourager dans ce sens ?

Dr Bristol : Les administrateurs d’hôpitaux sont conscients du besoin pour leurs infirmières chefs d’obtenir une formation avancée en soins infirmiers. Les infirmières cliniques chefs doivent avoir au minimum un master en administration des soins infirmiers.

Dr Gadd : Les établissements de soins de santé autour de Southern ont des exigences similaires. Plusieurs des infirmières chefs ont achevé notre programme de MSN (master en sciences infirmières) – MBA (master en administration des affaires). Elles ont été obligées de rechercher une formation avancée. Pour celles qui sont employées dans les hôpitaux Magnet, le doctorat est d’autant plus attrayant. Nous offrons cela et incluons un internat en gestion et leadership qui, nous espérons, produira des chefs forts. Les fonctions de pratique avancée incluent aussi des besoins dans ces domaines de leadership sans exclure les immenses besoins dans notre système de santé adventiste.

Dr Jones : Nos programmes d’études supérieures font-ils la promotion de l’orientation vers l’administration ?

Dr Lloyd : À LLU, nous avons une concentration en administration au niveau master. Beaucoup d’infirmières employées dans notre hôpital doivent avoir le niveau master pour travailler ou remplir le rôle de gestionnaire. Nous avons aussi développé un programme de stage externe au niveau master en collaboration avec le centre médical afin de permettre aux étudiants de faire leur DNP tout en travaillant et en remplissant un rôle de leadership clinique.

Dr Gadd : Il est difficile de se faire tout à tous. À Southern, nous avons un programme de MBA. Pour cela, nous nous sommes associés avec la School of Business pour créer un double diplôme : un MSN-MBA. Alors que nous développions nos programmes de doctorat en pratique avancée, nous avons également ajouté le MBA au programme de DNP (DNP-MBA). Il ne nous reste plus qu’à inscrire plus d’élèves.

Dr Jones : Cela devrait aider à répondre au besoin d’administrateurs qualifiés. Merci beaucoup. Nous avons presque fait le tour de la question, mais arrêtons-nous sur un dernier point : qu’en est-il de l’offre de l’enseignement supérieur en ligne ?

Dr Lloyd : Lorsque nous avons procédé auprès des étudiants à l’évaluation des besoins pour les différents programmes, ils ont manifesté de façon extraordinaire être intéressés et vouloir un genre quelconque d’enseignement en ligne. Nous utilisons la méthode hybride pour nos programmes en ligne.

Dr Jones : Pouvez-vous décrire en quoi consiste la méthode hybride d’enseignement en ligne ?

Dr Lloyd : Les programmes hybrides offrent principalement un enseignement en ligne avec un entretien en personne une fois par trimestre sur le campus avec l’enseignant. Le temps que les étudiants doivent passer sur le campus est déterminé par le nombre de cours qu’ils prennent. Nous cherchons à rendre cela pratique et simple pour les élèves.

Dr Bristol : Certains cours peuvent exiger plus de contacts personnels avec les élèves. Par exemple, les cours sur les examens médicaux, les statistiques ou les cours cliniques peuvent exiger des séances supplémentaires soit en personne soit en session informatique Zoom (une session de vidéoconférence en ligne) selon les exigences du personnel enseignant.

Dr Gadd : Nous offrons un enseignement en ligne afin de répondre aux besoins des gens qui n’ont pas un accès facile à un enseignement supérieur ou qui, pour des raisons de commodité, préfèrent étudier en ligne. Mais cela ne convient pas à tout le monde. Certains étudiants n’ont tout simplement pas la personnalité, les aptitudes à l’étude, les aptitudes techniques, le soutien ou peu importe quoi d’autre pour étudier en ligne. L’étudiant doit évaluer les défis qui se posent quand il essaie de choisir un programme. Les défis sont aussi énormes pour l’institution qui offre un enseignement de qualité en ligne. On ne peut pas prendre un cours que l’on enseigne en personne et le transformer en un cours en ligne en un claquement de doigt. Cela demande beaucoup plus de temps, d’efforts et de préparation. Il existe des directives de pratique optimale pour un enseignement en ligne de qualité supérieure. Nous avons des professeurs qui préfèrent ne pas enseigner en ligne car cela leur demande beaucoup d’attention quotidienne, et c’est différent d’un enseignement en classe. Cela est parfois difficile et exigeant.

Dr Lloyd : Pour bien faire, cela exige une somme énorme de travail et le soutien des infrastructures. La demande pour l’utilisation de la technologie éducative est immense, et ne fera probablement qu’augmenter. Il est nécessaire que nous, qui avons commencé à enseigner il y a longtemps, mettions plus de détermination à utiliser l’outil technologique.

Dr Jones : D’accord, mais j’ai une dernière question. Comment, d’après vous, la prestation en ligne affectera-t-elle notre capacité d’éduquer le corps professoral des écoles sœurs dans les autres pays, étant donné que nous sommes un système global ?

Dr Gadd : L’enseignement en ligne présente un réel avantage quand il s’agit d’éduquer les gens d’ailleurs dans la mesure où ils ont le savoir-faire et la technologie pour faire partie d’une classe. Les modes de formation asynchrones sont idéaux en cas de décalage horaire. Un enseignement qui nous permet d’étudier quand cela nous convient le mieux dans la journée est vraiment pratique. Les individus vivant dans d’autres pays peuvent tirer avantage d’une mine d’or de ressources éducatives.

Dr Jones : Avez-vous des étudiants internationaux dans vos programmes ?

Dr Gadd : Récemment, une de nos diplômées avec un DNP était une infirmière éducatrice vivant et suivant son programme en Corée.

Dr Bristol : Les candidats doivent avoir une licence d’infirmier autorisé aux États-Unis pour s’inscrire et terminer le programme de doctorat en pratique infirmière. Cela peut être un obstacle pour les étudiants internationaux.

Dr Lloyd : Il y a aussi un problème de visa. Tous les étudiants internationaux, avant d’être acceptés dans un programme, doivent être d’abord approuvés selon le type de visa obtenu, et savoir si leur pays honorera un diplôme en ligne. LLU exige que tous les visas étudiants soient traités par le bureau des étudiants étrangers sur le campus. Certains étudiants qui désirent s’inscrire à des programmes en ligne ont des difficultés.

Dr Gadd : Oui, vraiment, les visas étudiants et les lois d’immigration posent beaucoup de problèmes à certains étudiants. Cependant, les programmes d’enseignement à distance, s’ils sont complètement en ligne, contournent la plupart des difficultés et constituent un avantage.

Dr Jones : Avons-nous oublié de mentionner quelque chose que vous aimeriez partager ?

Dr Gadd : Je voudrais juste dire que l’enseignement supérieur offre beaucoup de débouchés intéressants pour les élèves et les professeurs. Je dis souvent que j’ai le meilleur emploi sur le campus de Southern. Je travaille avec des étudiants mûrs très motivés et déterminés à réussir professionnellement, dont les possibilités sont énormes étant donné le contexte actuel des soins de santé. Pour nous professeurs en enseignement supérieur, les défis dans ce que nous faisons sont nombreux : nous devons garder à l’esprit notre pratique clinique, les modalités d’enseignement et d’apprentissage, nous impliquer pour faire la promotion d’activités scientifiques. Nous devons continuer à développer et promouvoir des programmes avant-gardistes qui répondent aux besoins de la pratique infirmière, l’enseignement infirmier, et l’administration pour nos constituants locaux et de l’Église, sans oublier ceux de notre société globale. Cela est gratifiant sur le plan personnel et professionnel.

Dr Bristol : Les étudiants qui s’engagent dans leur programme de premier cycle devraient être guidés par les professeurs dans la planification de leur carrière. Il faudrait identifier des opportunités potentielles de mission et les élèves qui pourraient être intéressés par le professorat ou l’administration en soins infirmiers.

Dr Lloyd : Les infirmières de pratique avancée ont un fort potentiel de changer les choses dans leur sphère d’influence. Un CV d’enseignement de pratique avancée retient immédiatement l’attention d’un employeur. Notre but est de former des étudiants qui apporteront le message adventiste du septième jour à leur communauté et au monde entier.

Dr Jones : Merci beaucoup.

Susan L. Lloyd

Susan L. Lloyd, Ph.D., RN, CNS, est professeure associée à la Loma Linda School of Nursing à Loma Linda, enCalifornie. Elle est aussi doyenne des affaires académiques et des programmes d’études supérieures. Dr Lloyd a 42 ans d’expérience combinée en soins infirmiers en pratique clinique et en formation universitaire. En tant qu’infirmière spécialiste clinique (CNS), elle a travaillé dans des environnements de santé mère-enfant et de soins de pédiatrie de base, particulièrement avec des adolescentes enceintes. En tant qu’enseignante, elle a enseigné les soins infirmiers au niveau du premier cycle et des cycles supérieurs à Pan American University, Pacific Union College, Victor Valley College, California State University San Bernadino (CSUSB) et Loma Linda University (LLU). Elle a travaillé au développement des programmes de master et de doctorat en pratique infirmière à CSUSB et LLU. Elle a obtenu sa licence en soins infirmiers à Walla Walla College, son master en soins infirmiers à l’université de Loma Linda, et son doctorat en soins infirmiers à l’université de of San Diego.

Holly Gadd

Holly Gadd, Ph.D., RN, FNP, est professeure et coordonnatrice des programmes d’études supérieures à Southern Adventist University à Collegedale, aux États-Unis. Dr Gadd a reçu un diplôme en soins infirmiers à Atlantic Union College à South Lancaster, dans le Massachusetts, une licence en sciences en soins infirmiers à Andrews University à Berrien Springs, dans le Michigan, et un master en soins infirmiers, avec une emphase en enseignement infirmier et santé de l’adulte de l’université de Loma Linda. Elle a aussi passé un certificat d’infirmière praticienne familiale en postmaster décerné par la Midwesatern State University à Wichita Falls, au Texas, et un doctorat de la Texas Woman’s University à Denton. Dr Gadd a 40 ans d’expérience en soins infirmiers dans divers environnements, plus de 30 ans d’expérience en formation infirmière, et plus de 20 ans d’expérience en tant qu’infirmière praticienne. Elle est toujours active en tant qu’infirmière praticienne en soins primaires et soins d’urgence. Dr Gadd est membre de l’American Association of Nurse Practitioners, l’American Nurses Association, Sigma Theta Tau, la National League for Nursing, et la National Organization of Nurse Practitioner Faculties. Elle enseigne les soins primaires pour adultes I et II, la recherche sur les pratiques infirmières avancées, et les biostatistiques sur les pratiques avancées.

Shirley Tohm Bristol

Shirley Tohm Bristol, DNP, JD, MS, CNS, est professeure associée à la Loma Linda School of Nursing, Loma Linda, Californie. Elle est aussi directrice de programme pour les programmes d’études supérieures de master et de doctorat en pratique infirmière (MNP/DNP). Dr Bristol a 42 ans d’expérience en soins infirmiers tant en pratique clinique qu’en formation universitaire. Son expérience clinique inclut les soins donnés à un grand nombre de patients hospitalisés, une pratique avancée, et des postes de gestion. Son expérience d’éducatrice comprend l’enseignement des soins médicaux et chirurgicaux ainsi que les soins intensifs au niveau du premier cycle dans plusieurs universités. Très récemment, elle a été responsable pour développer, mettre en place et enseigner les programmes de master et de doctorat à l’université de Loma Linda. Sa licence en soins infirmiers a été obtenu à Andrews University, son master en soins infirmiers à l’université de Loma Linda, son doctorat de droit (JD) de l’University of Laverne College of Law en Ontario, et son doctorat en pratique infirmière de la Western University of Health Sciences à Ponoma, en Californie.

Patricia S. Jones

Patricia S. Jones, Ph.D., RN, FAAN, est professeure émérite à la Loma Linda School of Nursing (LLUSN) et directrice associée du Département des ministères de la santé de la Conférence générale des adventistes du septième jour à Silver Spring, dans le Maryland aux États-Unis. Dr Jones a aussi enseigné à la Adventist University of the Philippines, à Hong Kong Adventist College, et la Vanderbilt University. Elle a obtenu sa licence en soins infirmiers à Walla Walla College, un master d’Andrews University et des diplômes de mastere et de doctorat de la Vanderbilt University à Nashville, dans le Tennessee.

Référence recommandée :

Susan L. Lloyd, Holly Gadd, Shirley Tohm Bristol and Patricia S. Jones, “ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ADVENTISTE EN SCIENCES INFIRMIÈRES : UNE ENTREVUE,” Revue d’éducation adventiste 44:1 (Octobre–Décembre 2017). Disponible à https://www.journalofadventisteducation.org/fr/2018.2.6.